Des partisans européens du modèle suédois estiment que le gouvernement canadien va trop loin en continuant de criminaliser la sollicitation de clients par des prostitués dans le projet de loi déposé à la Chambre des communes la semaine dernière.

Deux politiciens européens et le président d'un organisme impliqué dans le domaine de la prostitution ont rencontré des députés canadiens à Ottawa, hier. Les rencontres étaient organisées par La Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle, un organisme canadien qui a fait pression sur le gouvernement pour qu'il s'inspire du modèle suédois afin d'élaborer le nouveau régime.

Dans son projet de loi déposé la semaine dernière, le gouvernement Harper s'est bel et bien inspiré de ce modèle suédois en criminalisant l'achat de services sexuels par des clients. Le groupe rencontré par La Presse a applaudi cette initiative. «C'est un tournant qui est véritablement historique», s'est réjoui Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du Nid et de la Coalition pour l'abolition de la prostitution.

Sollicitation

Mais Ottawa a aussi maintenu une forme de criminalisation en rendant illégale la sollicitation de clients par des prostitués dans des lieux susceptibles d'être fréquentés par des mineurs. Selon les critiques qui se sont déjà fait entendre au Canada, cette exception va beaucoup trop loin et maintient la criminalisation des travailleurs du sexe.

«Les personnes prostituées, à notre sens, sont des victimes. Donc de criminaliser des victimes, ça ne nous semble pas du tout cohérent», a dénoncé la députée française Maud Olivier, rapporteur du projet de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. La France pourrait adopter sa propre réforme des règles sur la prostitution d'ici le mois de décembre prochain, soit à peu près en même temps que le Canada. Le «racolage» n'y serait plus un acte criminel, selon la nouvelle loi.

«Vous devez être très noir et blanc: criminaliser l'achat de sexe et décriminaliser la vente de sexe. Mais pas de vagues ouvertures entre les deux... Espérons que le processus politique pourra changer le projet de loi», a ajouté le politicien suédois Mikael Gustafsson, président de la Commission des droits de la femme et de l'égalité des genres du Parlement européen.

M. Gustafsson s'est lui aussi réjoui de voir que le Canada s'est inspiré du modèle suédois et qu'ailleurs, dont en France, au Royaume-Uni et en Irlande, on s'apprête à le faire ou on y songe sérieusement.

«Approche canadienne»

Le ministre fédéral de la Justice, Peter MacKay, a présenté son modèle comme une «approche canadienne» à un problème complexe miné par l'exploitation des femmes.

Par ailleurs, le premier ministre Harper a fait valoir hier que les conservateurs s'en prennent aux clients de la prostitution et aux proxénètes, car les Canadiens n'accepteraient pas qu'on légalise purement et simplement ces activités.

Il a également affirmé que les activités liées à la prostitution sont illégales puisqu'elles sont néfastes pour les femmes et la société en général. Les nouvelles infractions liées à la prostitution visent à réduire la demande pour ces services, protéger les travailleurs du sexe ainsi que les enfants et les résidants des quartiers.

La Chambre des communes doit débattre du projet de loi C-36 demain et jeudi. Les troupes de Stephen Harper espèrent l'adopter en deuxième lecture avant la pause estivale, et permettre au comité parlementaire de la justice de l'étudier durant l'été.

- Avec La Presse Canadienne