Obligatoires depuis l'automne dernier, les suramendes compensatoires se heurtent à la résistance des juges, qui ont trouvé des manières créatives pour les réduire à presque rien dans certains cas. C'est maintenant au tour des avocats de la défense de sauter dans l'arène pour combattre ces modifications au Code criminel apportées par le gouvernement Harper.

Aujourd'hui, des avocats de la défense impliqués dans cinq dossiers, dont Mes Yves Gratton et Julie Vincent, tenteront de convaincre la Cour d'appel de leur accorder la permission de soulever la question constitutionnelle en appel.

Normalement, ce genre de débat doit d'abord se faire devant le tribunal de première instance. Dans le cas qui nous occupe, l'argument constitutionnel n'a jamais été soulevé en Cour du Québec. C'est d'ailleurs le principal argument du Directeur des poursuites criminelles et pénales et du Procureur général du Québec, qui s'opposent à cette requête. Mes Dennis Galiatsatos et Éric Dufour soutiennent qu'il ne s'agit pas d'une simple question de droit qui peut être tranchée dans l'abstrait.

Majorées et obligatoires

Les suramendes compensatoires sont des amendes imposées aux contrevenants au moment de leur jugement. Ces amendes, qui s'ajoutent à toute peine imposée, visent à financer des programmes d'aide aux victimes. L'automne dernier, elles ont été majorées à 100 $ par chef pour les infractions punissables par procédure sommaire, et à 200 $ par chef dans le cas d'infractions punissables par mise en accusation. Quand la peine est une amende, la suramende compensatoire doit représenter 30 % de la somme de l'amende.

Si la personne n'a pas les moyens de payer l'amende compensatoire, elle peut s'en acquitter en effectuant des travaux communautaires. Si elle ne fait ni l'un ni l'autre, elle « paie » en allant en prison. Un jour de prison équivaut à 82 $ d'amende.

Auparavant, les juges avaient la possibilité de ne pas imposer la suramende compensatoire, quand ils le jugeaient à propos. C'était au cas par cas. Avec les nouvelles dispositions, ils ne le peuvent plus. Le sans-abri comme le président d'entreprise y est soumis. Ce qui a amené des juges à utiliser différents moyens pour contourner le problème - par exemple, imposer une amende de 5 $, ce qui donne une suramende de 1,50 $ (30 %). Cette méthode, utilisée par le juge Patrick Healy en février dernier, a été reprise par d'autres juges depuis. Dans un autre cas, le juge Healy, qui apparaît comme le pionnier de cette vague au Québec, a réduit la peine de prison suggérée par les parties, pour y ajouter la peine de prison imposée à un contrevenant qui ne pouvait pas payer et ne voulait pas faire de travaux communautaires. Ce qui, au bout du compte, aboutissait à une période de temps identique en prison.

« Les peines minimales ont réduit le pouvoir discrétionnaire des juges. Les suramendes compensatoires, c'est la cerise sur le sundae », évalue Me Yves Gratton. Cet avocat de la défense, qui oeuvre depuis plus de 20 ans à l'aide juridique, dit que certaines personnes sont tellement désorganisées qu'elles ne peuvent ni payer ni faire des travaux communautaires. Elles vont forcément se retrouver en prison, ce qui n'apporte rien et coûte plus cher à la société.