Quarante ans après le drame de Valcartier, où six cadets avaient trouvé la mort à la suite de l'explosion d'une grenade, le nouvel ombudsman de la Défense nationale, Gary Walbourne, a confirmé jeudi qu'il mènera une enquête sur les événements.

Le 30 juillet 1974, des dizaines de cadets, sous-officiers et officiers étaient rassemblés dans un dortoir pour suivre une formation sur la sécurité et les explosifs. En pleine présentation, une grenade explose.

«Le capitaine qui faisait la présentation a blagué en affirmant que jamais il n'amènerait une vraie grenade pendant une formation. Mais elle avait été mélangée parmi les grenades pour pratiques. Un enfant l'a donc dégoupillée et il se l'est mise entre les jambes. Elle a explosé», raconte le sergent retraité Charles Gutta, alors adjudant-maître de la compagnie D du Camp des cadets.

Occupé dans une salle voisine, M. Gutta se précipite sur les lieux et fait face à une scène d'horreur.

«J'ai vu mes cadets en sang. C'était une scène chaotique. Les morceaux de la grenade étaient dans les visages et les corps des enfants», se souvient M. Gutta.

En février 2008, Charles Gutta constate que d'anciens cadets partagent leurs souvenirs du drame sur un site web et que plusieurs d'entre eux ont de multiples blessures et semblent avoir des symptômes de stress post-traumatique.

«J'avais le coeur gros, je ne pouvais dormir et j'ai réalisé que rien n'a été fait pour eux. Plusieurs se sont suicidés, souffrent de dépressions ou de syndrome post-traumatique. Depuis 2008, je travaille pour qu'on les aide», explique le sergent retraité.

Jeudi, à l'occasion d'une rencontre du Comité permanent de la Défense nationale et des Forces canadiennes, l'ombudsman Gary Walbourne a confirmé qu'une enquête tenterait de faire la lumière sur ces événements.

«Je suis heureux d'annoncer que nous avons reçu l'approbation d'aller de l'avant avec l'enquête hier (mercredi) après-midi. Nous nous sommes déjà demandé quelle serait la portée de l'enquête, à quel point elle serait détaillée. Ce dossier va avancer très rapidement», a indiqué M. Walbourne aux membres du comité.

Comme les événements se sont déroulés avant la création du poste d'ombudsman de la défense nationale, il était nécessaire que le ministre de la défense Rob Nicholson donne son autorisation pour qu'une enquête soit entamée.

La députée néo-démocrate de Portneuf-Jacques-Cartier, circonscription dans laquelle se trouve la base de Valcartier, fait pression depuis plusieurs mois pour que les cadets obtiennent de l'aide. Elle salue l'enquête de l'ombudsman.

«C'est incompréhensible que ça ait pris autant de temps pour qu'il ait une intervention du gouvernement. Nous avons aidé à mettre en place une pétition et nous croyons que ça a participé à faire pencher la balance. Il est temps que justice soit faite», a soutenu Élaine Michaud, en entrevue avec La Presse Canadienne, jeudi soir.

Charles Gutta rapporte qu'au fil des ans, il a été en mesure de retracer une cinquantaine des cadets impliqués dans l'événement, dont une quarantaine sont toujours vivants. Il en cherche toujours 56 autres.

Les cadets avaient trois ans pour porter plainte contre la défense nationale et ainsi obtenir de l'aide de l'armée, mais M. Gutta affirme que personne n'était au courant de cette obligation.

Il attend beaucoup de l'enquête de l'ombudsman.

«On espère que ça va apporter les soins que ces cadets n'ont pas eus, car ils en ont besoin de manière urgente. Ils ont été abandonnés. Certains ont encore des parties de grenade dans le corps», dénonce le sergent retraité.

Il exige aussi des excuses de l'armée. Il dit les attendre depuis 40 ans.