C'est pour un litige personnel que la présidente du Tribunal administratif du Québec (TAQ), Hélène de Kovachich, a requis les services d'une avocate spécialisée en droit familial, Luce Gayrard - un mandat qui a coûté jusqu'ici 144 700$ aux contribuables.

En croisant les informations divulguées hier à la Commission de l'administration publique, il apparaît clairement que la présidente du TAQ a elle-même décidé que le litige compromettait son rôle comme membre du tribunal. Les députés péquistes Gilles Chapadeau (Rouyn) et Serge Cardin (Sherbrooke) ont tour à tour exigé des clarifications sur le mandat nébuleux de Me Gayrard - une dépense de fonds publics pour laquelle le ministre de la Justice, Bertrand St-Arnaud, attend encore des clarifications.

Le ministre a été «instruit» des éléments qui pouvaient être partagés, a indiqué hier Me de Kovachich. Le TAQ est un tribunal indépendant, où elle a la responsabilité de prendre les décisions pour préserver le principe de l'inamovibilité des juges, explique-t-elle.

Sous l'oeil attentif de son conjoint, l'ex-premier ministre Pierre Marc Johnson, Mme de Kovachich a expliqué qu'elle ne pouvait divulguer le contenu du dossier de Me Gayrard sans contrevenir aux ordonnances de deux tribunaux. Un juge a en outre mis toute l'affaire sous scellé, pour protéger encore davantage l'anonymat du membre du TAQ en cause.

Mais aux questions du député Cardin, qui lui demandait si elle ne s'était pas mise dans une situation délicate - à la fois juge et partie -, si, d'aventure, le dossier était son litige personnel, Me de Kovachich a soutenu que, dans cette éventualité, «à la question hypothétique», elle répond: «J'aurais fait une vérification auprès des emplois supérieurs [au conseil exécutif], j'aurais dans ce cas validé la décision avec les emplois supérieurs [au conseil exécutif].»

Un appel à la sous-ministre

Par la suite, dans un entretien à La Presse, la directrice générale du TAQ, Gisèle Pagé, a laissé tomber que cette vérification avait été faite, à l'époque où Madeleine Paulin était responsable des emplois supérieurs - Mme Paulin a pris sa retraite à la fin de 2012. «Je ne confirme rien!», s'est empressée d'ajouter Mme Pagé.

Au conseil exécutif, le responsable des communications, Hubert Bolduc, précise. Me de Kovachich s'était entretenue il y a plusieurs mois au téléphone à ce sujet avec la sous-ministre Paulin. La fonctionnaire lui aurait dit: «Si la cause vous touche personnellement, mais risque de toucher la réputation du tribunal, vous avez le droit de mandater un avocat [à même les fonds publics]. Si la cause vous touche personnellement, mais sans conséquences pour le tribunal, vous n'avez pas le droit. Mais dans tous les cas, la décision vous appartient!», a rapporté M. Bolduc.

On se souviendra que l'ex-conjoint de Mme de Kovachich, l'avocat Robert Charlton, avait été accusé au criminel de harcèlement et d'extorsion, en décembre dernier. Parmi les ordonnances, le tribunal avait exigé qu'il n'entre pas en contact avec son ex-conjointe Hélène de Kovachich et qu'il ne se présente pas à un édifice résidentiel de la rue Sherbrooke, où réside Pierre Marc Johnson, selon le bottin du Collège des médecins. Il est impossible d'établir hors de tout doute toutefois que le mandat accordé par Me de Kovachich, pour une cause qui la concerne personnellement, est précisément le litige civil contre son ex-conjoint.

Les députés ont rappelé les nombreuses frictions de la direction du TAQ avec les membres, en moyens de pression depuis un an pour revoir leurs conditions de travail. «Mon rôle n'est pas d'être aimée, mais d'assurer la bonne marche du tribunal», a tranché Me de Kovachich. Cette dernière, proche de Jean Charest, avait fait jaser quand elle avait bénéficié d'un renouvellement de son mandat de cinq ans, en mai 2012, plus d'un an avant la fin de son premier mandat. On était alors à quelques semaines du déclenchement des élections.