Les antécédents d'Alain Charron, vieux routier du crime lié au clan Dubois, au Gang de l'ouest et au caïd Raynald Desjardins, ont pesé lourd dans la balance du juge Guy Cournoyer de la Cour supérieure, qui l'a condamné ce midi à cinq ans de pénitencier pour avoir comploté l'importation de plusieurs tonnes de haschich en 2010.

La poursuite demandait sept ans et la défense, une peine à purger dans la collectivité.

Durant les plaidoiries, l'avocate de Charron a argué notamment que la période entre le complot (2010) et la dernière arrestation pour une affaire similaire (2003) démontrait que le sexagénaire était réhabilité, ce qui a visiblement fait réagir le juge Cournoyer.

«La dernière peine a pris fin en 2008 et un peu plus de deux ans plus tard, il récidive avec un crime de même nature. Le présent dossier n'établit pas la réhabilitation et il n'a pas tiré d'enseignement de la peine de 2008. On ne peut que constater que la fin de sa dernière sentence n'a laissé qu'une empreinte fugace dans sa mémoire», a dit le juge, ajoutant qu'elle n'a eu aucun effet dissuasif.

Le magistrat a aussi ajouté que Charron, 69 ans, avait un mode de vie criminalisé et qu'il n'avait pas été un acteur mineur et du «menu fretin» dans le complot, malgré le fait que la preuve accumulée par la Gendarmerie Royale du Canada ait été circonstancielle.

Sonnerie prémonitoire

Charron a été jugé devant jury pour un chef de complot pour possession de haschich dans un but de trafic et trois chefs d'importation.

Lui et des complices ont voulu importer 15 tonnes de haschich à l'automne 2010, deux fois par conteneurs sur des bateaux qui ont transité par l'Italie et la Belgique, et la troisième fois dans un conteneur, sur un train arrivant des États-Unis. Dans les deux premiers cas, les enquêteurs de la GRC se sont rendus en Italie et en Belgique où ils ont remplacé la drogue par du sel et du plâtre, avant de laisser les conteneurs poursuivre leur route vers le Port de Montréal.

Les jurés l'ont reconnu coupable de complot, l'ont acquitté de l'un des chefs d'importation et ne se sont pas entendus sur les deux autres.

Le juge Cournoyer a souligné ces verdicts dans son jugement en affirmant qu'ils n'étaient pas mystérieux, ni incompatibles.

Vêtu d'une tenue sport et ayant à ses pieds un sac avec ses effets personnels, Alain Charron n'a pas bronché lorsqu'il a entendu le juge prononcer les mots «cinq ans». Il s'est tourné vers sa conjointe et l'a embrassée avant de prendre le chemin de la détention, escorté par deux constables spéciaux. Ironiquement, quelques minutes auparavant, le magistrat a été interrompu par un téléphone laissé ouvert par erreur dans la salle, et dont la sonnerie était la chanson House of the Rising Sun du groupe The Animals, dont Johnny Hallyday a popularisé une version française intitulée Le pénitencier (ou Les portes du pénitencier).

«Nous sommes satisfaites de la sentence considérant les peines imposées aux coaccusés. Le juge a pris en considération des antécédents de M. Charron et analysé les verdicts rendus par le jury», ont déclaré à La Presse les procureures Me Josianne Cyr et Me Carly Norris.

La défense, assurée par Me Deborah De Tomasis, a porté le verdict de culpabilité sur le chef de complot devant la Cour d'appel. Elle demande également la libération sous conditions de son client pour la suite des procédures. L'audience aura lieu demain.

La poursuite n'a pas, du moins pour le moment, l'intention de demander la tenue d'un nouveau procès pour les deux chefs sur lesquels le jury ne s'est pas entendu. Cela dépendra toutefois de la décision de la Cour d'appel sur le verdict de culpabilité.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.