Des détenus qui peuvent ouvrir la porte de leur cellule à coups de pied, des pannes de caméras, des indicateurs d'issues ouvertes ou fermées déficients, des passe-plats qui peuvent être arrachés des murs, etc. Moins d'un an après son inauguration, la nouvelle prison de Sorel-Tracy, construite au coût de 174 millions en partenariat avec le privé, présente des vices qui inquiètent les gardiens, a appris La Presse.

« C'est la première fois que je vois autant de problèmes dans la même prison. Tellement qu'on se demande si on ne s'est pas fait passer un citron, une prison en carton », lance Mathieu Lavoie, président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec, impliqué syndicalement depuis 13 ans.

Le 10 janvier dernier, deux détenus survoltés d'un secteur multi-sécuritaire de la prison de Sorel ont défoncé les portes blindées de leur cellule à coups de pied en moins de 10 minutes. D'autres détenus auraient assisté à la scène dans ce petit secteur abritant quelques cellules. Rapidement, le mot s'est passé dans tout l'établissement, qui compte actuellement 180 personnes incarcérées sur une possibilité éventuelle de plus de 300.

Le problème serait causé par un petit jeu du loquet de la serrure. 

Selon nos informations, à la demande de leurs patrons, des gardiens ont fait eux-mêmes le test et défoncé une autre porte à coups de pied, en quelques minutes.

« Il y avait des motards et des relations de motards dans ce secteur. Une fois la porte défoncée, il en reste une autre avant que les détenus se retrouvent dans une aire commune. Je ne suis pas en train de dire qu'il y a des risques d'évasion et du danger pour la population. Par contre, c'est dangereux pour les gardiens. Cela ne serait jamais arrivé dans l'ancienne prison », a confié à La Presse une personne au fait de la situation.

« Si des détenus défoncent une porte, ils pourraient se retrouver en groupe, dans un milieu de vie, et pour nous, ça pourrait devenir très difficile de circonscrire. Nous sommes très préoccupés », renchérit Mathieu Lavoie.

« SOLUTION IDENTIFIÉE »

« Le ministère de la Sécurité publique (MSP) prend la situation très au sérieux. En aucun temps, la sécurité de la population n'a été compromise », a répondu par courriel Alexandra Paré, porte-parole du Ministère, à la demande faite par La Presse au téléphone.

« Le MSP confirme que des défaillances techniques ont été constatées sur le mécanisme de certaines portes de cellules au nouvel Établissement de détention de Sorel-Tracy. Immédiatement, des adaptations ont été apportées dans les opérations courantes afin d'assurer la sécurité. Une solution a été identifiée pour régler la problématique et des correctifs sont apportés », a-t-elle ajouté.

Selon nos informations, une solution aurait effectivement été trouvée. Les gardiens auraient fait un nouveau test concluant. 

Il y aurait plus de 300 portes devant être modifiées dans la nouvelle prison de Sorel-Tracy. 

« Ça va coûter cher », prédit Mathieu Lavoie, selon qui le seul déplacement d'un soudeur dans l'établissement amène son lot de dépenses supplémentaires. « Et là, ça va être de l'obstination pour savoir qui va payer, le Ministère ou le consortium privé », anticipe le chef syndical, une appréhension renforcée par la réponse envoyée vendredi par le Ministère.

« La priorité pour le MSP est de corriger la situation. Des analyses additionnelles seront faites pour déterminer à qui en revient la responsabilité financière et des démarches appropriées seront prises le cas échéant », a écrit Mme Paré.

PAS SEULEMENT LES PORTES

« Le nouveau bâtiment [...] répondra aux exigences actuelles en matière de normes carcérales, notamment à l'égard des installations et des équipements de sécurité. Il offrira aussi un environnement de travail bonifié aux agents des services correctionnels et aux autres membres du personnel », disait le communiqué du MSP publié le jour de l'inauguration de la prison, en mai 2017.

Mais il n'y a pas que les portes qui posent problème.

Il y a deux semaines, le « contrôle central » a cessé de fonctionner durant trois heures, rendant ainsi les caméras aveugles et empêchant l'ouverture et la fermeture électronique des portes.

La fin de semaine dernière, des caméras auraient de nouveau cessé de fonctionner durant une altercation entre un gardien et un détenu.

Nos sources font également état de passe-plats dans les murs qui peuvent être arrachés et de capteurs de portes qui indiquent erronément qu'elles sont verrouillées ou non.

Bref, autant de pépins qui rendent les agents des services correctionnels nerveux. « Ce sont des problématiques majeures, ça pourrait être dangereux », dit Mathieu Lavoie.

En attendant que les problèmes soient corrigés, la direction aurait donné différentes directives aux gardiens pour limiter les risques.

Selon M. Lavoie, la liste de vices est beaucoup moins longue aux nouveaux établissements de Roberval et de Sept-Îles, inaugurés depuis deux ans et qui n'ont pas été construits en partenariat avec le privé.

« Pour nous, c'est un retour en arrière. Quand ils ont annoncé la construction de quatre nouvelles prisons, dont une en partenariat public-privé (PPP), nous avions dit que ce n'était pas une bonne idée, qu'il était question de sécurité, qu'il ne fallait pas lésiner là-dessus et essayer d'économiser. On va surveiller la situation de près », conclut-il.

Une autre nouvelle prison qui n'a pas été construite en PPP doit bientôt être inaugurée à Amos, en Abitibi.

Le nouvel établissement de détention de Sorel-Tracy

• Inauguré le 23 mai 2017

• 340 places lorsqu'il aura atteint sa pleine capacité, plus 80 places dans des dortoirs pour les détenus avec peines discontinues.

• Coûts passés et prévus de conception, de construction, d'entretien et de maintien d'actifs pour les 30 prochaines années : 267 millions.

• Durée de la construction : 34 mois, au coût de 174 millions, un budget qui a été respecté par la Société québécoise des infrastructures (SQI).

• Le ministère de la Sécurité publique est locataire de la prison.

• Outre la SQI, Société en commandite Fiera Axium Infrastructure Canada II, Pomerleau inc. et Société de contrôle Johnson Canada S.E.C. font partie du consortium Horizon justice Sorel-Tracy qui a réalisé ce projet en PPP et signé pour 30 ans.