D'une seule année à cinq ans de radiation du jour au lendemain. Un jeune psychologue montréalais est devenu le premier à pâtir du récent durcissement des sanctions envers les professionnels de la santé qui commettent des inconduites sexuelles.

Éric Paquette vient d'être radié cinq ans - « la peine de mort professionnelle », selon son avocat - pour avoir entretenu une relation amoureuse de six mois avec une patiente. C'est la peine minimale instaurée l'été dernier par une réforme du Code des professions. En proposant ce durcissement, la ministre de la Justice Stéphanie Vallée a vanté le « signal fort », le « message clair » qu'il enverrait aux professionnels.

M. Paquette aurait été exclu de la profession pour 12 mois si sa cause avait été entendue avant le 8 juin dernier, date à laquelle le durcissement est entré en vigueur. Mais comme son audience a débuté six jours plus tard, il ne pourra revenir à la profession avant 2022.

Entre octobre 2015 et mai 2016, le psychologue avait développé une relation amoureuse avec une patiente qui le consultait pour des problèmes d'anxiété et d'insomnie. Au bout d'une douzaine de séances, elle lui aurait avoué éprouver une attirance à son endroit, et la relation thérapeutique aurait pris fin peu après. L'ex-patiente continuait toutefois à fréquenter le bureau de M. Paquette pour y avoir des relations sexuelles.

La rupture a été « douloureuse » pour la patiente, « qui est encore fragile un an après la séparation », peut-on lire dans la décision rendue le mois dernier. « Elle a perdu du poids et a eu des problèmes importants d'estime de soi. [...] L'inconduite sexuelle de l'intimé a eu sur elle des conséquences néfastes importantes. »

C'est le psychologue vers qui la patiente s'est tournée après la rupture de cette relation qui a porté plainte à l'ordre professionnel.

« La société n'accepte plus l'inacceptable »

L'avocat du psychologue, Me Pierre Boulanger, a tenté de convaincre le conseil de discipline que le durcissement de la loi ne devait pas s'appliquer à son client. Il a plaidé que le couperet ne devrait tomber que sur les professionnels qui ont fauté après le changement à la loi.

Il a aussi plaidé que son client devrait profiter de l'exception prévue dans la loi - la peine minimale n'a pas à être appliquée à un professionnel « s'il convainc le conseil qu'une radiation d'une durée moindre serait justifiée dans les circonstances ».

Or, le conseil de discipline de l'Ordre des psychologues a rejeté ces deux arguments.

« L'analyse de l'ensemble des critères à considérer [...] ne donne pas ouverture à une réduction de cette période de radiation », ont écrit les trois membres du comité. « Le Conseil est d'avis que cette sanction est juste et raisonnable et assurera la protection du public à une époque où la société n'accepte plus l'inacceptable. »

Selon le conseil, la « gravité objective des faits », le lien étroit entre la faute et le travail de psychologue ainsi que l'impact de la situation sur la confiance du public viennent aggraver la situation.

Son avocat n'a pas souhaité commenter le jugement. Celui-ci indique que l'homme « comprend la gravité de son inconduite » et est « disposé à suivre une thérapie ». Il a collaboré adéquatement à l'enquête et éprouve des remords.

La décision n'est pas portée en appel.