Ahmad Nehme était-il un mari jaloux enragé à l'idée que sa femme le quitte avec leurs enfants ou était-il un homme délirant convaincu à tort par sa maladie mentale que sa femme le trompait et voulait le tuer? La Couronne et la défense ont présenté deux thèses aux antipodes mardi au procès pour meurtre prémédité d'Ahmad Nehme, accusé d'avoir poignardé sa femme Catherine de Boucherville en juillet 2012.

«M. Nehme a agi en fonction d'une rage, d'une colère, d'une frustration que Catherine de Boucherville échappe à son contrôle. Si je ne peux pas t'avoir, personne ne t'aura», a affirmé le procureur de la Couronne Éric Côté lors de ses plaidoiries. Selon sa théorie, Ahmad Nehme avait été plongé dans un «désarroi total» quelques jours plus tôt quand sa femme lui avait annoncé leur rupture. Il avait depuis des pensées suicidaires, selon la Couronne.

Le matin du 5 juillet 2012, Ahmad Nehme est rentré dans la résidence familiale dans l'arrondissement de La Salle, armé d'un couteau. Leurs deux enfants, dont leur fils autiste de 13 ans, étaient dans la maison. C'est dans la salle de bain qu'il a tué violemment Catherine de Boucherville d'une quinzaine de coups de couteau. Il était sur les lieux à l'arrivée des policiers.

«La preuve démontre que l'agissement de M. Nehme est le résultat d'un trouble mental, d'une croyance non fondée que sa femme le trompait et que sa femme et son ou ses amants voulaient le tuer», résume Me Giuseppe Battista. L'avocat de la défense demande au jury de déclarer son client non criminellement responsable pour troubles mentaux. Selon Me Battista, l'homme de 53 ans imaginait que sa femme des 19 dernières années le trompait avec son employé Alex Gejakushyan et son voisin de commerce James Ojo. Ceux-ci sont venus témoigner du contraire.

Le psychiatre-expert de la défense Joel Watts a conclu que l'accusé souffrait d'un «trouble délirant» de type «persécutoire et jaloux». «M. Nehme ne distinguait plus le réel de l'irréel. C'est une évidence quand on regarde la preuve. Les témoins ont dit qu'il avait des problèmes, qu'il hallucinait, qu'il s'imaginait des choses, qu'il était paranoïaque et qu'il était déconnecté de la réalité», soutient Me Battista. 

«Il ne faut pas confondre trouble de jalousie et trouble de persécution. Ils font un amalgame intéressant. Il faut distinguer jalousie et la peur d'être tué. M. Nehme a toujours été jaloux depuis 2001. Il a toujours été suspicieux», a rétorqué Me Côté dans ses plaidoiries mardi matin. Le psychiatre expert de la défense Paul-André Lafleur, contrairement à son confrère, a conclu qu'Ahmad Nehme ne souffrait pas de troubles mentaux au moment de tuer sa femme.

La veille du meurtre, Ahmad Nehme a eu une altercation avec son voisin de commerce, James Ojo. À ce moment, il était sûr que ce dernier entretenait une relation extraconjugale avec sa femme et cherchait à le tuer, selon son témoignage. La situation était si tendue que les policiers étaient intervenus sur les lieux. Or, Ahmad Nehme n'a jamais porté plainte à la police, note Me Côté. Selon la Couronne, c'est plutôt le frère d'Ahmad Nehme, présent sur les lieux, qui était en colère contre M. Ojo. «M. Ahmad Nehme semblait être le pacificateur», dit-il.