Mercredi dernier, une cinquantaine de personnes se sont retrouvées au poste 20 du Service de police de la Ville de Montréal, près du Centre Bell, pour porter plainte après s'être aperçues qu'elles avaient acheté de faux billets pour le concert du groupe britannique Coldplay.

Parmi les 17 plaintes enregistrées, de nombreuses similitudes ont été relevées. « Mais on ne peut commenter l'identité du responsable ou [dire] si quelqu'un a usurpé son identité », a confirmé à La Presse l'agent Manuel Couture. 

Sur les factures envoyées aux acheteurs que La Presse a pu consulter, on retrouve le nom de l'entreprise Billets Prestige, dont le site internet de revente de billets est toujours en ligne.

Le nom et le numéro de téléphone portable qui y figurent sont ceux de Vincenzo Pettinicchio, un homme qui a eu des démêlés avec le fisc et l'Autorité des marchés financiers.

En avril dernier, l'Autorité des marchés financiers a en effet interdit à M. Pettinicchio de faire des opérations sur valeurs mobilières alors qu'il n'était pas inscrit comme courtier. L'homme d'affaires sollicitait des investisseurs sur Kijiji, leur promettant de faire fructifier rapidement leur argent au moyen de son entreprise de revente de billets, Wide World of Tickets. La Commission des valeurs mobilières de la Nouvelle-Écosse a également mis en garde les investisseurs de la province contre les activités de M. Pettinicchio et de ses sociétés.

Vincenzo Pettinicchio a en outre eu des démêlés avec l'Agence du revenu du Québec, à qui il a été condamné à payer 724 011,10 $ le 15 novembre 2013. Il a également fait l'objet de poursuites dans le cadre de ses activités dans le domaine de la distribution et de la vente de produits alimentaires.

DES CLIENTS MÉCONTENTS SUR LE PAS DE LA PORTE

La Presse s'est rendue au domicile de M. Pettinicchio après avoir tenté, en vain, de le joindre. Aucune réponse à son domicile, où tous les rideaux étaient tirés. Nous avons trouvé, attachée à la poignée de porte, une enveloppe dans laquelle il y avait deux billets pour le concert de Coldplay avec la note : Vincenzo, I will call you on private.

Julie, une jeune femme de Repentigny qui a préféré qu'on ne publie pas son nom de famille, nous a confié qu'elle s'était rendue mercredi matin au domicile de M. Pettinicchio après avoir compris que les 12 billets qu'il lui avait vendus au coût de 300 $ chacun étaient des faux.

« Comme je m'inquiétais de la validité des billets électroniques quelques semaines avant le show, il m'a dit qu'il me donnerait des billets en carton. Puis il a commencé à me dire qu'il y avait un problème, qu'on lui avait révoqué sa licence de revendeur. Je lui ai demandé mon argent pour en acheter d'autres. Il est sorti de sa maison et il a tenté de me baratiner », raconte Julie.

« Je ne sais pas comment il fait pour dormir le soir, ce gars-là ! »

- Julie, à qui l'on a vendu de faux billets pour le concert de Coldplay

« J'ai fait un appel à tous sur Facebook et j'ai été contactée par une autre victime. Il a reçu ses billets d'une autre personne, un dénommé André, mais il a reçu lui aussi une facture de l'entreprise Billets Prestige ! », ajoute-t-elle.

Tout comme Julie, Eva Romano, une autre victime alléguée interrogée par La Presse, a rencontré en personne « Vince » et a été en mesure de reconnaître l'homme sur une photo publiée sur Twitter par l'AMF en avril dernier pour accompagner sa mise en garde contre Vincenzo Pettinicchio.

« Je l'ai rencontré le 3 avril quand je lui ai remis l'argent à Saint-Léonard en face d'un Tim Hortons. Les billets paraissaient vrais et il m'a dit que si le spectacle était reporté pour X raison, il me renverrait de nouveaux billets avec de nouveaux codes-barres. Il m'a aussi envoyé une facture et donné l'adresse de son site internet. »

Sur le site web de Billets Prestige, on trouve un numéro de téléphone qui, après vérification, est en fait celui d'une société de revente américaine, TicketNetwork.com, qui n'a aucun lien avec l'entreprise montréalaise.

Risqué, mais pas illégal

Le porte-parole de la police de Montréal, Manuel Couture, souligne que bien que risquée, la revente de billets de spectacles n'est pas une activité illégale.

« La revente est légale, même en passant par Kijiji, qui offre d'ailleurs des conseils de sécurité sur son site. Ce qui est illégal est de revendre [des billets] sur le domaine public, selon le règlement municipal. Un autre bon moyen est de payer par PayPal, qui offre une garantie de 30 jours contre la fraude », dit-il. 

« La majorité des transactions de ce genre se font de manière consensuelle et tout va bien. Mais il faut être très prudent, car une partie est aussi de la fraude de la part de gens qui profitent de la naïveté de certains acheteurs. » 

Pour se prémunir contre ce type d'arnaque, M. Couture rappelle qu'il est plus prudent de se présenter à la billetterie et de vérifier l'authenticité des billets avant de les acheter.

Photo tirée du compte Twitter de Martin De Blois

Le nom de Vincenzo Pettinicchio figure sur la facture de l'entreprise Billets Prestige.