Le capitaine de la Sûreté du Québec qui était chez le notaire durant son quart de travail, au début de la récente tempête de neige, et qui fait maintenant l'objet d'une enquête interne pour les lacunes de son intervention sur l'autoroute 13 avait déjà reçu un avis disciplinaire parce qu'il consacrait trop de temps à ses activités lucratives dans le secteur privé, parfois même avec le matériel de la police, a appris La Presse. À Québec, le gouvernement songe maintenant à modifier la loi pour éviter que de telles situations ne se reproduisent.

Le capitaine de la Sûreté du Québec qui était chez le notaire durant son quart de travail, au début de la récente tempête de neige, et qui fait maintenant l'objet d'une enquête interne pour les lacunes de son intervention sur l'autoroute 13 avait déjà reçu un avis disciplinaire parce qu'il consacrait trop de temps à ses activités lucratives dans le secteur privé, parfois même avec le matériel de la police, a appris La Presse. À Québec, le gouvernement songe maintenant à modifier la loi pour éviter que de telles situations ne se reproduisent.

La Presse révélait plus tôt cette semaine que le capitaine Michel Lapointe, l'officier d'opérations pour la région autoroutière du Grand Montréal, était chez le notaire pour signer des documents relatifs à son entreprise de gestion immobilière vers 16 h 30, le 14 mars, alors que la situation se dégradait sérieusement sur le réseau routier. Les occupants d'environ 300 véhicules s'étaient ensuite retrouvés pris au piège toute la nuit sur l'autoroute.

M. Lapointe, qui est actuellement relevé de ses fonctions le temps que se déroule l'enquête interne, dit gérer « huit ou neuf » immeubles à revenus, pour un total d'une vingtaine de locataires. Il est aussi courtier immobilier agréé. En date d'hier, il était le représentant de six propriétés à vendre sur le marché. Récemment, sur l'internet, il disait être à la recherche de financement pour acquérir une garderie de « minimum 80 places », mais l'affaire ne s'est jamais concrétisée.

« Jamais je ne vais mettre en second lieu ma job à la Sûreté du Québec : c'est ma priorité », a-t-il assuré avec énergie lundi, lorsque joint au téléphone. Il expliquait ne pas être autorisé à discuter publiquement de la tempête alors que l'enquête interne était en cours.

UNE PLAINTE DÈS 2014

L'enquête interne tente actuellement de déterminer s'il se consacre vraiment pleinement à son travail de gestionnaire policier, ou si son énergie et son temps ne sont pas plutôt accaparés par ses autres activités.

Or, selon ce qu'a pu confirmer La Presse auprès de deux sources bien au fait du dossier, M. Lapointe avait déjà fait l'objet d'une enquête des affaires internes, en 2014. Un de ses supérieurs avait alors rédigé une plainte en bonne et due forme pour utilisation du cellulaire de la SQ dans le cadre de son travail d'agent d'immeubles, utilisation du véhicule de fonction de la police pour ses activités immobilières et utilisation de son temps de travail à des fins lucratives.

Selon nos sources, son dossier avait fait l'objet de nombreuses discussions à l'interne et le congédiement avait même été évoqué. L'officier s'en était finalement tiré avec une mise en garde et un avis disciplinaire à son dossier, mais pas de sanction.

Peu après, il avait livré un témoignage au site web Jeune Investisseur immobilier, dans lequel il vantait la rapidité avec laquelle il avait pu devenir millionnaire. « Je poursuis mon travail pour maintenant acquérir mon deuxième million ! », lançait-il.

SORTIE MUSCLÉE DU GOUVERNEMENT

À Québec, l'emploi du temps de M. Lapointe le jour de la tempête a provoqué une sortie musclée du gouvernement Couillard. Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a confirmé qu'il envisageait d'interdire aux officiers de la SQ d'occuper un emploi à l'extérieur de leurs fonctions.

« Les gradés de la police qui ont un travail extrêmement exigeant à faire doivent avoir toute l'attention nécessaire pour le faire. »

- Martin Coiteux

« Donc, moi, je me pose des questions, a dit M. Coiteux. La haute direction de la SQ se pose des questions puisqu'elle révise ses pratiques, et moi, je m'attends à ce qu'elle fasse ça. »

M. Coiteux s'est dit prêt à envisager un recours à la voie législative pour interdire le double emploi.

« S'il faut qu'on le fasse, on va le faire », a résumé le ministre.

Québec a modifié la Loi sur la police dans le milieu des années 80 pour permettre le double emploi. À l'époque, des policiers avaient porté plainte à la Commission des droits de la personne parce que la loi était très restrictive. Il était, par exemple, interdit pour un policier d'exercer ses fonctions si sa conjointe était propriétaire d'un bar.

À l'époque, beaucoup de policiers voulaient un assouplissement législatif, car ils souhaitaient enseigner les techniques policières.

L'OPPOSITION OUVERTE

La possibilité de réviser la loi, 30 ans plus tard, a reçu un accueil favorable chez les partis de l'opposition.

Le député du Parti québécois, Pascal Bérubé, s'est montré favorable à une interdiction du double emploi. Mais avant d'en arriver là, il demande au gouvernement de dresser un inventaire des emplois occupés par tous les officiers et syndiqués de la SQ.

« Ça les place potentiellement, avec leurs activités commerciales et leurs autres emplois, dans des situations de vulnérabilité, a dit M. Bérubé. [...] Il me semble que c'est une vocation qui mérite qu'on s'y consacre totalement. »

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, et le député de Québec solidaire, Amir Khadir, ont abondé dans le même sens.

« Je pense que rendu à un certain niveau de responsabilité, c'est le genre d'emploi qui ne devrait pas être cumulé, a dit M. Legault. Ça devrait être une job à temps plein. »

« Je suis juste étonné que c'est maintenant qu'on se réveille », a renchéri M. Khadir.

- Avec la collaboration de Denis Lessard, La Presse

Michel Lapointe. Officier de la Sureté du Québec, Agent Immobilier

photo tirée d'un document de la Sûreté du Québec

Le capitaine de la Sûreté du Québec Michel Lapointe est actuellement relevé de ses fonctions, le temps que se déroule l'enquête interne relative à l'intervention sur l'autoroute 13 le soir de la tempête.