La buanderie tenue par des détenus dans la prison de Saint-Jérôme est une véritable porte d'entrée pour les stupéfiants et le tabac, a constaté La Presse. Seulement pour le mois de novembre, 21 saisies ont été effectuées en 30 jours à la prison, qui a des contrats avec un hôpital et des centres d'hébergement de la région des Laurentides. Six de ces 21 saisies, parmi les plus importantes, ont été réalisées dans la buanderie.

PROGRAMME DE RÉINSERTION SOCIALE

Dans certaines prisons du Québec, en particulier à Saint-Jérôme, à la prison Leclerc et au Centre de détention de Montréal (Bordeaux), on retrouve des buanderies tenues par des détenus payés environ 3 $ l'heure et ayant des contrats avec des hôpitaux, des CHSLD et d'autres centres gouvernementaux. Ces détenus sont inscrits à des programmes chapeautés par le Fonds de soutien à la réinsertion sociale. Plus précisément, la buanderie de la prison de Saint-Jérôme a notamment des contrats avec un hôpital des Laurentides, l'hôpital de Saint-Eustache, et plusieurs centres d'hébergement de Saint-Jérôme. Chaque année, ce sont au total 1,1 million de kilos de linges souillés qui quittent ces établissements à destination de la buanderie de la prison.

LES BUANDERIES, LIEU DE TRANSIT

Il ne s'est presque pas passé une journée sans que les agents correctionnels de la prison de Saint-Jérôme fassent une saisie de drogue ou de tabac durant le mois de novembre dernier, selon des informations obtenues par La Presse. Vingt-et-une saisies de drogues, de tabac, de comprimés, de médicaments et d'autres objets illicites ont été effectuées entre les 30 octobre et 30 novembre derniers, ce qui fait trois saisies par tranche de quatre jours. Six de ces 21 saisies ont été faites à la buanderie, dont 2 particulièrement importantes : 9 colis enveloppés dans du ruban électrique et contenant 162 g de tabac et 45 g de cannabis trouvés le 29 novembre, et 7 paquets enveloppés dans du ruban électrique de différentes couleurs contenant 208 g de tabac et 40 g de cannabis découverts dans une poubelle de la buanderie le lendemain.

LA GESTION DU LINGE SALE

Chaque jour, une fois par jour sauf le dimanche, ce sont d'énormes quantités de draps, de jaquettes ou de serviettes souillés qui quittent l'établissement de santé à destination de la prison de Saint-Jérôme et qui reviennent propres. Les morceaux de linge sale sont déposés dans des bacs à chaque étage des hôpitaux. Les bacs sont ensuite rassemblés dans un local commun où des employés de la prison les récupèrent et les apportent à la buanderie. Depuis un an, l'hôpital de Saint-Eustache a répertorié une douzaine de tentatives de livraison de drogue ou de tabac éventées soit à l'hôpital ou soit une fois les linges rendus à la prison, une problématique plus importante cette année, dit sa porte-parole.

L'HÔPITAL PREND DES MOYENS 

« C'est une situation que l'on prend très au sérieux. On ne veut pas que le phénomène prenne de l'ampleur, mais c'est difficile, car un hôpital est un lieu public, on ne peut pas questionner tout le monde », affirme la porte-parole du Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides, Myriam Sabourin. Des agents de sécurité, qui ont été appelés à une plus grande vigilance, patrouillent dans l'hôpital de Saint-Eustache et surveillent toute personne louche qui pourrait flâner près des bacs à linge sale ou les manipuler. L'hôpital compte également sur des caméras de surveillance et a développé un plus grand partage des rôles avec les agents correctionnels qui inspectent les bacs à leur arrivée à la buanderie de la prison. 

UN REMÈDE : LES CHIENS

« De tels contrats de buanderie sont des portes d'entrée à la drogue et au tabac dans les prisons. Les poches et les bacs de draps souillés arrivent de l'extérieur et on y trouve souvent des substances illicites », admet le président du Syndicat des agents en services correctionnels du Québec, Mathieu Lavoie. « Si on veut garder les programmes de réinsertion pour les détenus, il n'y a pas de solution miracle. Il faut augmenter le nombre de fouilles, en particulier celles avec les chiens renifleurs », affirme Mathieu Lavoie. Durant le mois de novembre, les gardiens de la prison de Saint-Jérôme ont effectué des fouilles avec un maître-chien à deux reprises, le 2 novembre et le 10 novembre. La première fois, ils ont saisi du cannabis, une pipe artisanale et un briquet dans trois cellules. La deuxième fois, ils ont découvert du cannabis dans quatre cellules.

LA POSITION DU MINISTÈRE 

Au ministère de la Sécurité publique, on a refusé de commenter le cas précis de la buanderie de la prison de Saint-Jérôme « pour ne pas nuire à de possibles enquêtes ». Une chargée de communication nous a écrit, en résumé, que « de nombreuses actions sont menées pour prévenir l'introduction d'objets interdits dans les établissements de détention et que le ministère poursuit des démarches avec ses partenaires pour identifier et analyser de nouvelles technologies pour améliorer constamment ses pratiques ».

LA POINTE DE L'ICEBERG 

Sous le couvert de l'anonymat, un gardien a confié à La Presse que ces 21 saisies effectuées en novembre à la prison de Saint-Jérôme ne seraient que la pointe de l'iceberg, car ce n'est qu'une maigre proportion des entrées illicites qui seraient interceptées. Mathieu Lavoie, président du Syndicat des agents correctionnels du Québec, affirme toutefois que ces chiffres ne signifient pas que c'est pire à la prison de Saint-Jérôme qu'ailleurs, mais que c'est peut-être parce que l'administration de cet établissement carcéral a la réputation d'être transparente. Il ajoute que les drones et le courrier sont d'autres moyens qui sont très utilisés par les contrebandiers. Derrière les murs, un gramme de cannabis vaut entre 40 et 60 $ et l'équivalent d'un paquet de cigarettes, environ 40 $, selon M. Lavoie.

CE QUI A ÉTÉ TROUVÉ DANS LES SAISIES

• Cannabis

• Haschich

• Tabac

• Briquets

• Allumettes

• Papier à rouler

• Un téléphone cellulaire

• Un fil de recharge pour cellulaire

• Des médicaments

• Des pièces de monnaie

• Des timbres de nicotine

• Une pipe artisanale

• Des comprimés

• Un pic artisanal

• De l'alcool frelaté

• 23 comprimés de Seroquel (25 mg)

• 2 comprimés de Flexeril (10 mg)

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Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.