Pourquoi un jeune se radicalise-t-il ? Quel est le rôle de l'intégrisme religieux dans le processus de radicalisation ? Qui est à risque ? Voilà des questions auxquelles tentera de répondre un nouveau centre de recherche sur la radicalisation et l'intégrisme religieux piloté par le Collège Édouard-Montpetit, qui vise à «prévenir la radicalisation en amont» chez une population particulièrement vulnérable.

«Nous n'allons pas chasser les radicaux. Nous ne sommes pas la police. Nous sommes une institution d'enseignement. Mais de nombreuses études ont démontré que le potentiel de radicalisation existe chez les étudiants du cégep entre l'âge de 18 et 22 ans. On ne peut pas nier le fait que notre population peut être une cible pour la radicalisation », explique le directeur du nouvel organisme, le professeur de sociologie Martin Geoffroy, un expert de l'intégrisme religieux.

Lui et son équipe comptent tirer profit de leur accès à un bassin de jeunes à risque pour mener des études et des sondages terrain, développer une expertise inédite au Québec et mettre sur pied de la formation pour les intervenants du milieu collégial. Rappelons que certains cégeps, dont le Collège de Maisonneuve, ont été échaudés par des incidents impliquant des étudiants radicaux.

« Ce qui nous rend différents, c'est que nous sommes sur le terrain. Et beaucoup de gens qui étudient le phénomène de la radicalisation veulent collaborer avec nous justement parce qu'ils veulent avoir accès à notre terrain, explique M Geoffroy. Le fait d'être un centre basé dans un cégep va nous permettre de contrôler ce qui sera fait avec notre population et de nous assurer que tous les sondages qui sont soumis à nos étudiants suivent notre philosophie.»

Cette philosophie, Martin Geoffroy la croit complètement à l'opposé de celle des autres organismes qui étudient actuellement la radicalisation, dont le Centre de prévention menant à la violence de Montréal. Le travail de son équipe, précise-t-il, se penchera sur ce qui se passe avant la radicalisation.

« La problématique que j'ai avec ce qui ce fait au Québec, c'est qu'on fait très rarement le lien entre intégrismes religieux et radicalisation. On fait plus souvent le lien entre radicalisation et ethnicité. Nous, on va vraiment mettre l'angle sur les intégrismes religieux [pas uniquement l'intégrisme musulman]. On ''focus'' trop sur le problème de radicalisation menant à la violence. Comment peut-on parler de radicalisation menant à la violence si on ne sait même pas c'est quoi la radicalisation. On veut parler d'intégrisme religieux d'abord, qui peut mener à la radicalisation et parfois à la violence. On veut prendre ça en amont. »

Selon l'expert, les institutions d'enseignement sont impuissantes une fois qu'un étudiant est radicalisé. Cela ne veut pas dire que les écoles ne peuvent pas lutter contre le phénomène.

« Ce qu'on pense, c'est qu'on ne peut pas comprendre les processus qui mènent à la radicalisation si on ne fait pas de recherche là-dessus, si on ne les expose pas. Le seul fait d'exposer les processus menant à la radicalisation à nos jeunes étudiants va prévenir beaucoup de radicalisation», croit M. Geoffroy.

Le Centre d'expertise et de formation sur les intégrismes religieux et la radicalisation (CEFIR) est un projet regroupant des chercheurs et des professeurs de quatre cégeps de la Rive-Sud de Montréal, soit Édouard Montpetit, Saint-Hyacinthe, St-Jean-sur-Richelieu et le collège militaire de Saint-Jean, qui offrira une perspective de sécurité nationale.

Des universitaires du Québec et de l'Ontario s'associent également au CEFIR.

L'organisme offrira bientôt un site web de vulgarisation et donnera de la formation autant aux écoles qu'au grand public, notamment dans l'espoir de défaire les préjugés et diminuer le racisme associé à cet enjeu polarisant. Le projet s'étalera sur une période de trois ans, lors desquels plusieurs sondages seront notamment menés auprès des étudiants.