Les critiques, les dénonciations et les allégations de falsification de documents et d'intimidation des derniers mois à l'égard du ministère des Transports constituent une dérive malheureuse, estime l'ancien haut fonctionnaire du ministère des Transports du Québec (MTQ) François Beaudry.

Cet ingénieur retraité qui a été l'un des premiers lanceurs d'alerte concernant un système de collusion dans l'industrie de la construction, à Montréal, se porte ainsi à la défense du MTQ. Il croit que son ancien employeur serait victime de tensions internes, de conflits de personnalités et d'un manque de jugement de certains de ses dirigeants.

« Je suis vraiment stupéfait par la démesure du débat qui entoure les prétendues malversations, les gestes d'intimidation et de falsification au MTQ. Ça m'apparaît exagéré. En fait, je vais tomber en bas de ma chaise si l'UPAC trouve quelque chose », a soutenu hier M. Beaudry à La Presse.

La semaine dernière, l'Unité permanente anticorruption (UPAC) a ouvert une enquête criminelle pour faux, fabrication de faux et intimidation à la suite de témoignages incriminants en commission parlementaire. L'une des principales dénonciatrices de la situation, l'ancienne vérificatrice interne du MTQ Louise Boily, a rencontré des enquêteurs de l'UPAC la semaine dernière, pendant deux jours.

On ignore pour l'instant qui est ciblé au MTQ. Mme Boily a toutefois montré du doigt certains hauts fonctionnaires, dont la sous-ministre adjointe Danièle Cantin, les fonctionnaires Nathalie Noël et Michel Boulard.

Pour François Beaudry, il importe de distinguer la collusion qui a entraîné le « détournement massif de fonds publics » - des « centaines de millions de dollars », estime-t-il - des tiraillements internes propres à toute organisation qui est mise sous pression ; c'est le cas du MTQ depuis le rapport du vérificateur général, en 2009.

« Parler d'intimidation, c'est grave et c'est un terme souvent galvaudé. Dans un milieu de travail, il arrive qu'il y ait des désaccords et que le ton monte. Ce n'est pas de l'intimidation pour autant », dit François Beaudry.

Quant aux documents qui auraient été modifiés avec des ajouts ou des parties retranchées avant d'être déposés notamment à l'Assemblée nationale, M. Beaudry ne s'étonne guère que le MTQ ait voulu « présenter certaines choses sous un meilleur jour ». Il reconnaît toutefois que « modifier le rapport de la vérificatrice interne n'était pas l'idée du siècle ». « Ça ne mérite pas une médaille, mais que l'Assemblée nationale ait été monopolisée par ça relève de la dérive ! », s'exclame-t-il.

« JAMAIS DE CORRUPTION DANS L'ORGANISATION »

Lorsque François Beaudry était conseiller auprès du sous-ministre des Transports, il a dénoncé « l'emprise qu'avait la mafia sur les contrats publics dans la grande région de Montréal », déclenchant une enquête policière qui n'a donné aucun résultat.

Une fois à la retraite, il a dénoncé la situation de nouveau, mais cette fois dans les médias, mettant ainsi une pierre sur la voie qui allait mener au déclenchement de la commission Charbonneau. M. Beaudry se sent donc une responsabilité lorsque la réputation du MTQ est écorchée et qu'il dit constater une « distorsion des faits ». En s'appuyant sur ses 33 années passées au MTQ, M. Beaudry ne croit pas que le Ministère soit gangrené, comme on le laisse croire.

« Il y a certes eu des comportements éthiques inacceptables, une naïve complaisance dans certains cas, et d'autres erreurs de jugement, mais jamais de corruption dans l'organisation. [...] Si les enquêteurs de l'UPAC arrivaient à la conclusion inverse, je ferai amende honorable. Mais je n'y crois pas », conclut-il.

Image tirée d'une vidéo, archives La Presse

François Beaudry, ex-haut fonctionnaire du MTQ, lors de son témoignage à la commission Charbonneau en 2014