La Cour suprême du Canada entendra la cause d'un accidenté de la route du Québec qui a passé plus de 40 heures dans un fossé avant d'être retrouvé et qui demande à être dédommagé par le gouvernement.

Le prochain round du combat que mène Gilles Gargantiel dans la foulée de son accident de la route en octobre 2009 se déroulera donc devant le plus haut tribunal au pays, qui a accepté jeudi d'entendre sa cause.

Il poursuit le gouvernement du Québec pour la négligence des agents de la Sûreté du Québec (SQ). Ceux-ci avaient été alertés par le système d'assistance du véhicule de M. Gargantiel qu'un accident avait eu lieu, mais avaient abandonné leurs recherches environ deux heures après.

Le plaignant avait été retrouvé plus de 40 heures plus tard par un cheminot. Il souffrait d'une grave hypothermie dont les séquelles ont nécessité l'amputation d'une partie de la jambe droite de Gilles Gargantiel, selon les documents de cour.

Les patrouilleurs de la SQ ont remis en doute pendant un bon moment les informations de géolocalisation fournies par les représentants du système d'assistance OnStar avant de finir par abandonner les recherches.

«Ça me fait chier ce niaisage-là, j'ai manqué mon heure de souper», a dit l'un d'entre eux à son répartiteur, selon les transcriptions de l'enregistrement audio de la SQ déposées devant la Cour supérieure du Québec.

«On fait-tu une plainte d'harcèlement contre eux-autres», a également lancé un patrouilleur, mécontent que les représentants d'OnStar continuent de contacter la police provinciale pour signaler qu'un accident était survenu et que le propriétaire du véhicule manquait à l'appel.

La SQ ne devrait pas s'en tirer aussi facilement après avoir fait preuve d'une telle «négligence», selon Gilles Gargantiel, qui s'est dit extrêmement heureux que la Cour suprême accepte d'entendre sa cause.

«L'histoire est insensée et elle mérite d'être entendue. Que la Sûreté du Québec agisse comme ça, c'est inacceptable. Il fallait que j'aille jusqu'au bout», a-t-il dit en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne, jeudi.

Après avoir été débouté par la Cour supérieure du Québec, en mai 2013, M. Gargantiel avait subi un autre revers devant la Cour d'appel du Québec en mai 2013. Les tribunaux ont déterminé que la Loi sur l'assurance automobile interdit à une victime de poursuivre le responsable de l'accident.

L'avocat Marc Bellemare, qui dénonce depuis des années le régime d'indemnisation sans égard à la responsabilité («no-fault»), se réjouit de constater que la cause se retrouve devant le plus haut tribunal au pays.

«C'est une bonne nouvelle, parce que ça va permettre aux victimes d'avoir espoir qu'éventuellement, on puisse limiter la portée du "no-fault" au Québec. Le "no-fault", c'est une aberration», a-t-il soutenu jeudi lors d'un entretien au téléphone.

«La SQ qui ne vient pas porter secours à une personne qui est dans le fossé pendant plus de 40 heures, c'est épouvantable. C'est épouvantable de permettre à ces gens-là d'être à l'abri de toute poursuite», a ajouté Me Bellemare.

L'avocat de Gilles Gargantiel,  Andrew Kliger, estime qu'il était de son devoir «légal autant que moral» d'interjeter appel à la Cour suprême du Canada pour défendre les intérêts des victimes qui subissent des blessures ou des préjudices lorsqu'un préjudice survient après un accident.

«On ne veut pas changer la loi de la SAAQ (Société de l'assurance automobile du Québec) pour pouvoir poursuivre la personne qui a causé l'accident. Ce n'est pas ça du tout. S'il arrive quelque chose après l'accident, les victimes devraient avoir la possibilité de poursuivre», a-t-il dit.

M. Gargantiel, qui n'a pas été en mesure de retourner au travail depuis l'accident survenu en 2009, poursuit le gouvernement pour négligence. Il réclame un montant frôlant le million de dollars.

«J'ai perdu un pied à cause de la gangrène, j'ai passé 14 mois à l'hôpital. Et là, il me reste une dernière opération à subir, à la hanche», explique-t-il.