L'Unité permanente anticorruption (UPAC) soupçonne le fonctionnaire du ministère de la Sécurité publique Abdelaziz Younsi d'avoir voyagé avec Mohamed El-Khayat, copropriétaire de l'entreprise Informatique EBR, qui a obtenu le renouvellement d'un contrat public de matériel informatique de 3,7 millions.

C'est ce qui se dégage de nouveaux passages du mandat de perquisition obtenu par l'UPAC et qui ont été libérés par un tribunal, hier matin. Le document judiciaire obtenu par un consortium de médias, dont La Presse, demeure frappé en partie par une ordonnance de non-publication. Certains éléments sont également caviardés.

Malgré tout, ce document apporte un éclairage supplémentaire sur ce qui a conduit à l'arrestation de MM. Younsi et El-Khayat, l'été dernier. Les deux hommes sont accusés notamment de fraude et de complot. Ils auraient manoeuvré pour qu'un contrat informatique comporte un crédit de 400 000$ à utiliser plus tard. Le dossier aurait même fait l'objet d'une comptabilité parallèle.

Les enquêteurs ont obtenu des informations sur «l'historique des voyageurs» concernant MM. Younsi et El-Khayat, indique le document judiciaire. Les faits révélés par l'Agence des services frontaliers du Canada ne peuvent toutefois pas être rendus publics pour l'instant à la suite de la décision d'un juge. La dénonciation policière souligne toutefois qu'Abdelaziz Younsi a fait une demande de passeport en avril 2010. Cela donne une indication sur la nature des soupçons des policiers.

La démarche de l'UPAC visait notamment à obtenir un accès au registre téléphonique de M. Younsi, qui était directeur du service des technologies de l'information à la Sécurité publique.

L'enquête a démarré en 2013 à la suite d'un appel à la ligne de dénonciation de l'UPAC. En juin 2014, l'UPAC a perquisitionné chez Informatique EBR ainsi qu'au centre de distribution de la Sécurité publique.

Enquêtes en enfilade

Cette enquête a permis d'en ouvrir une autre, qui a entraîné, en mars dernier, l'arrestation de sept personnes, dont deux fonctionnaires du gouvernement occupant des postes importants. Un stratagème de trucage d'offres en services informatiques aurait ainsi profité à un consortium formé d'IBM et Informatique EBR.

Il est question d'un mandat s'élevant à 24 millions pour une centrale de données chez Revenu Québec. En contrepartie, les fonctionnaires auraient reçu «des avantages personnels», comme l'a indiqué l'UPAC au moment des arrestations.

Deux fonctionnaires de Revenu Québec, dont Jamal El-Khayat, le frère de Mohamed El-Khayat, du ministère de la Sécurité publique, auraient fourni des informations privilégiées au consortium pour qu'il puisse remporter l'appel d'offres.

On se rappellera que dans son rapport 2012-2013, le Vérificateur général du Québec avait relevé de nombreuses lacunes dans les contrats informatiques accordés par le gouvernement: mauvaise préparation des appels d'offres, tarifs payés supérieurs à ceux prévus au contrat, par exemple. Le Vérificateur général avait analysé 38 contrats et, pour chacun d'eux, il y avait des problèmes importants.