L'ex-détenu canadien de Guantanamo Bay Omar Khadr a dû prendre son mal en patience, mardi matin: la Cour d'appel de l'Alberta n'annoncera que jeudi si elle confirme ou non la décision d'un tribunal de première instance, qui avait ordonné sa libération sous caution.

M. Khadr, aujourd'hui âgé de 28 ans, est détenu dans l'établissement à sécurité moyenne d'Innisfail, en Alberta. Il purge une peine de huit ans de prison imposée par une commission militaire américaine en 2010, après avoir plaidé coupable à des crimes de guerre - notamment le meurtre d'un soldat - commis en Afghanistan en juillet 2002, alors qu'il avait 15 ans. Il a plus tard soutenu qu'il n'avait plaidé coupable que pour quitter enfin la prison de Guantanamo.

Une juge albertaine de première instance avait ordonné, il y a 10 jours, la libération sous caution du Torontois, pendant qu'il fait appel de sa condamnation aux États-Unis pour crimes de guerre, mais le gouvernement canadien a fait appel de cette décision.

Ottawa soutient que la libération de M. Khadr nuirait aux bonnes relations du Canada avec les autres pays, puisqu'elle violerait le traité international en vertu duquel il a été transféré dans un pénitencier canadien en 2012. De ce fait, sa libération mettrait en péril le sort d'autres Canadiens emprisonnés dans le monde, et nuirait aux bonnes relations du Canada avec les capitales étrangères, a plaidé la Couronne.

Un des avocats de M. Khadr, Nate Whitling, a rétorqué que le cas de son client ne pourrait pas faire jurisprudence, car il est unique: personne n'avait réalisé, avant son retour au Canada, que le condamné avait renoncé par écrit, devant la commission militaire américaine, à en appeler du verdict. Cette procédure a été depuis invalidée, ce qui permet à M. Khadr de faire maintenant appel aux États-Unis.

Le 24 avril, la juge June Ross, de la Cour du banc de la reine de l'Ontario, a estimé qu'il ne serait pas dans l'intérêt public de garder le détenu derrière les barreaux. Selon elle, Omar Khadr dispose d'un bon dossier pour son appel aux États-Unis, et le risque pour la sécurité publique n'est pas suffisamment élevé pour justifier sa détention avant le procès.

Les termes de sa libération sous caution devaient être déterminés avant mardi, mais Ottawa a demandé au tribunal de surseoir à la décision le temps d'en appeler. Après avoir entendu les plaidoiries, mardi matin, la juge Myra Bielby, de la Cour d'appel, a annoncé qu'elle rendrait sa décision jeudi matin, et a refusé de libérer le détenu en attendant.

M. Khadr, qui était présent au tribunal à Edmonton, mardi, a montré peu d'émotions alors qu'on le ramenait en cellule, même s'il aurait pu être libéré sur le champ. L'un de ses avocats, Dennis Edney, était, lui, très déçu.

«Bien sûr que j'aurais aimé le saisir, le jeter dans la voiture et le ramener chez moi», a-t-il lancé à l'extérieur de la salle d'audience. «Les arguments du gouvernement ne constituent qu'un écran de fumée.»