Le dernier ex-dirigeant de SNC-Lavalin recherché par la police est rentré volontairement d'exil et s'est rendu aux autorités, hier, mais il ne s'est pas avoué vaincu pour autant. Son avocat tente carrément de faire déclarer inconstitutionnel l'article de loi utilisé par la GRC pour espionner ses conversations pendant l'enquête.

Sami Bebawi, 68 ans, ex-vice-président directeur de la firme de génie-conseil à Montréal, a pris un vol commercial pour revenir d'Égypte, où il semblait inaccessible depuis qu'un mandat d'arrêt contre lui avait été lancé, il y a plus d'un an.

L'Égypte n'a pas l'habitude d'extrader ses citoyens vers le Canada, et selon toute probabilité, il aurait pu continuer à s'y terrer, s'il l'avait voulu.

M. Bebawi est accusé de fraude, de corruption d'agents publics étrangers, de blanchiment d'argent et de possession de biens criminellement obtenus, relativement à des projets internationaux de SNC-Lavalin.

Extorsion d'un ancien collègue

Il est aussi accusé, conjointement avec son ancien avocat fiscaliste, Constantine Kyres, d'avoir entravé la justice et de s'être livré à une tentative d'extorsion à l'endroit d'un ancien collègue de la direction de SNC-Lavalin, Riadh Ben Aïssa.

C'est la GRC qui a enquêté sur cette affaire. Cette enquête est distincte de celle de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) sur la construction du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

Dans une requête déposée en Cour supérieure, l'avocat de M. Bebawi, Alexandre Bergevin, affirme que la GRC a violé la Constitution canadienne en espionnant les conversations de son client avec l'avocat fiscaliste Kyres, puis en perquisitionnant au bureau de ce dernier.

La Cour suprême a déjà fixé des critères très rigoureux de protection du secret professionnel des avocats, mais l'article du Code criminel sur l'écoute électronique n'a pas été mis à jour pour tenir compte de ces critères, soutient Me Bergevin, de sorte que cet article viole la Charte des droits et libertés, selon lui.

Le plus haut tribunal du pays a aussi décrété que les policiers devaient démontrer qu'il n'existe aucune solution de rechange avant d'obtenir le droit d'intercepter les conversations d'un avocat, ce qui n'a pas été fait dans le cas présent, soutient-il.

Ben Aïssa parlait à la police

Les soupçons des policiers se basaient seulement sur les dénonciations de Riadh Ben Aïssa, dirigeant déchu de SNC-Lavalin qui était alors détenu en Suisse et qui fournissait des informations à la GRC, raconte Me Bergevin dans sa requête déposée à la cour.

M. Ben Aïssa aurait confié aux policiers que Me Kyres était venu lui faire une proposition au nom de M. Bebawi: s'il acceptait de corroborer tout ce que disait M. Bebawi, ce dernier lui rembourserait les quelques millions de dollars qu'il lui devait.

Ce sont ces révélations de M. Ben Aïssa qui auraient fait croire à une tentative d'extorsion et d'entrave à la justice et qui auraient poussé la police à demander des mandats d'écoute électronique puis un mandat de perquisition.

Or, «il s'agit de pur double ouï-dire par un témoin taré», affirme Me Bergevin.

Sami Bebawi doit comparaître devant le tribunal aujourd'hui pour demander d'être mis en liberté en attente de son procès et de l'audition de la requête de son avocat.