La ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, aurait été victime d'une tentative d'extorsion et de harcèlement criminel au point de craindre pour sa sécurité et celle de ses proches quelques jours à peine avant d'être réélue comme députée libérale, a appris La Presse.

Les crimes allégués ont eu lieu à la fin de la dernière campagne électorale au printemps, soit entre le 26 et le 29 mars derniers. Des accusations criminelles ont été portées contre l'homme en question.

L'affaire s'est déroulée en Outaouais, région où la ministre Vallée s'est fait réélire sous la bannière libérale en avril dernier.

Un entrepreneur en construction de la région, François Lafontaine, fait face à deux chefs d'accusation de tentative d'extorsion à l'endroit de Mme Vallée ainsi que de harcèlement ayant pour effet de lui faire raisonnablement craindre pour sa sécurité ou celle d'une de ses connaissances, selon un document judiciaire.

L'homme de 62 ans a plaidé non coupable. Il n'a pas d'antécédents judiciaires, mais il a quelques causes pendantes devant les tribunaux. Le cabinet du conjoint de la ministre, Me Louis-André Hubert, dans lequel elle a déjà pratiqué, aurait représenté M. Lafontaine dans le passé, selon ce qu'a pu apprendre La Presse.

Me Hubert figure sur la liste des témoins de la poursuite tout comme la ministre Vallée. Le propriétaire d'un journal local de Maniwaki sera aussi appelé à témoigner à la demande de la Couronne.

«Le gars s'est présenté au journal en pleine campagne électorale avec sa pancarte du PQ dans l'auto. Il voulait salir la réputation de Mme Vallée, c'était évident. Il criait. Il parlait de travaux qu'il aurait faits chez elle pour lesquels il n'aurait pas été payé. Il avait l'air un peu névrosé, a raconté Roch Lépine à La Presse. J'ai refusé de publier un article. Mon journal, ce n'est pas une place pour laver du linge sale.»

Le propriétaire du journal ne veut pas en dire davantage pour ne pas nuire à la cause actuellement devant les tribunaux.

Arrêté en septembre dernier, l'accusé avait été mis en liberté sous condition en attente de son procès au palais de justice de Maniwaki. Or, il a été arrêté de nouveau pour non-respect de l'une de ses conditions. Il a demandé de retrouver sa liberté encore une fois, sans succès. Les faits de la cause révélés lors de ces audiences sont frappés d'un interdit de publication.

Hier, le sexagénaire était de retour en cour pour la tenue d'une conférence de gestion en vue de préparer son procès.

Une procureure fédérale au dossier

Cette cause est délicate puisqu'elle implique la Procureure générale du Québec, de qui relève ultimement du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), le patron des procureurs de la Couronne. C'est ainsi qu'une procureure fédérale, Me Geneviève de Passillé, a été mandatée pour représenter la poursuite. Le DPCP ne peut pas être à la fois plaignant et poursuivant, a expliqué Me de Passillé au juge Valmont Beaulieu, hier. L'accusé est représenté par un criminaliste de la région, Me Mathieu Laporte.

Le choix d'un juge pour entendre le procès est tout aussi délicat puisque c'est la ministre de la Justice qui est chargée de recommander la nomination des juges au Conseil des ministres. «Je veux m'assurer qu'il n'y ait pas de problème», a indiqué la poursuite.

«On n'a pas à remettre en question l'indépendance judiciaire», lui a répondu le juge Beaulieu. Un magistrat de l'extérieur de la région de l'Outaouais sera nommé pour présider la cause puisque le conjoint de la ministre pratique toujours à Maniwaki.

Autre difficulté potentielle: d'après la jurisprudence, un député ou un ministre ne peut être assigné à comparaître à la cour durant une session parlementaire, à moins de renoncer à son privilège parlementaire, a expliqué le juge Beaulieu.

La Couronne entend déposer en preuve des courriels et des messages textes qui auraient été envoyés par l'accusé, a-t-elle annoncé, hier.

La ministre Vallée n'a pas voulu commenter l'affaire. «Compte tenu des procédures judiciaires, la ministre de la Justice s'abstiendra de commenter», a dit son attachée de presse, Jolyane Pronovost.

La cause revient devant le tribunal le 9 octobre pour fixer une date de procès.