Le meurtre du dangereux caïd Ducarme Joseph, assassiné vendredi soir en plein coeur de son ancien fief dans le quartier Saint-Michel, à Montréal, pourrait être une vengeance posthume de l'ancien parrain de la mafia montréalaise Vito Rizzuto, selon ce qu'a appris La Presse.

Joseph, 46 ans, a été atteint de plusieurs projectiles au haut du corps près d'une chaîne de restauration rapide au coin de la rue Michel-Ange et du boulevard Saint-Michel. Celui qui a été pendant de nombreuses années le chef de la gang de rue des Bleus avait été avisé qu'il y avait un contrat sur sa tête, notamment depuis le meurtre du fils aîné de Vito Rizzuto, Nick Rizzuto Jr.

Selon nos informations, Joseph aurait été le conducteur d'un véhicule de fuite lors du meurtre de ce haut gradé de la mafia, assassiné près des bureaux de l'entrepreneur en construction Antonio Magi en décembre 2009. Cette hypothèse serait sérieusement étudiée par les enquêteurs de la division des crimes majeurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Si la piste de la vengeance du meurtre de Nick Rizzuto Jr. s'avère, cela semble vouloir démontrer que les nouveaux dirigeants de la mafia de Montréal - depuis le décès du parrain Vito Rizzuto - ont l'intention de poursuivre l'oeuvre de ce dernier. C'est également une façon pour eux d'asseoir leur autorité, de démontrer leur sérieux et d'imposer le respect. D'autres attentats pourraient suivre. 

Entre temps, d'autres hypothèses sont aussi analysées par les enquêteurs du SPVM, qui recherchent celui ou ceux qui ont mené ce 18e homicide commis cette année à Montréal. Le meurtre de Federico Del Peschio, un proche de Vito Rizzuto tué en août 2009 dans le stationnement de son restaurant, le Cantina, pourrait aussi être lié à la mort de Joseph. 

Invincible

Selon nos informations, Ducarme Joseph se croyait invincible depuis qu'il a survécu en mars 2010 à l'attentat perpétré à son ancien commerce du Vieux-Montréal, le Flawnego, situé sur la rue Saint-Jacques.

À l'époque, trois individus lourdement armés avaient fait irruption dans l'ancienne boutique de vêtements et ouvert le feu à plus de 70 reprises. Le caïd avait échappé de justesse à l'attaque en fuyant par la porte arrière, mais l'un de ses gardes du corps et le gérant du magasin, un oncle de Joseph, avaient été tués. L'attaque avait également fait deux blessés.

En mai dernier, Mais Carey Isaac Regis, 45 ans, Terrel Lloyd Smith, 31 ans, et Kyle Gabriel, 30 ans, ont été trouvé coupables de deux meurtres et de deux tentatives de meurtre commis au Flawnego. Regis aurait agi à titre de chauffeur, alors que Smith et Gabriel auraient été les tireurs dans cette affaire. Ils ont tous les trois été condamnés à la prison à vie.

Après l'attentat, Joseph s'était rendu directement au bureau de l'entrepreneur en construction lié à la mafia, Antonio Magi. Il avait par la suite été arrêté par les policiers au moment de sa sortie des locaux pour bris de conditions.

Selon nos informations, il aurait par la suite affirmé qu'il allait mourir de vieillesse grâce au vaudou qu'il pratiquait. Il gardait notamment sur lui une amulette remplie d'« herbes magiques » pour rester en sécurité.

Vendredi soir, dans le quartier Saint-Michel, la magie a cessé d'opérer.

« Calme le jour, mais bruyant la nuit »

Les policiers et les cercles criminels savaient que l'assassinat de Ducarme Joseph n'était qu'une question de temps. La Presse est allée rencontrer ce matin certains citoyens qui habitent le quartier où le crime a finalement été commis.

« Il y a beaucoup de va-et-vient au restaurant en face, surtout la nuit. Parfois, on entend les gens parler très fort. Mais hier, c'était bien calme. On est allé voir à la fenêtre ce qui se passait en voyant les lumières des voitures de police. Tout a dû se passer très vite, car on n'a rien entendu », a expliqué une résidente de la rue Michel-Ange.

Le secteur, situé à quelques rues de l'autoroute Métropolitaine, est bordé de parcs et d'écoles. Devant le restaurant près d'où le meurtre a été commis, plusieurs autres commerces ont pignon sur rue. Dépanneur, pharmacie, magasins de toutes sortes: un coin achalandé pour les gens du voisinage.

« Je viens ici tous les jours et je ne me sens pas en danger. Mais je ne viens pas le soir », a dit une dame âgée qui marchait pour faire ses courses.

« De jour, ils se tiennent tranquilles. Mais le soir, ils deviennent mal élevés. Ils cassent des bouteilles », a dit un autre homme en fauteuil roulant, qui évite le secteur la nuit venue.

La mère de Jospeh Ducarme habite non loin de la scène de crime. Elle a appris la nouvelle de la mort de son fils lorsque des policiers sont venus cogner chez elle, samedi matin vers 8 h.

« Elle n'est pas en mesure de parler pour l'instant, elle est sous le choc. Elle ne sait pas qui voulait du mal à son fils. Mme Joseph a une santé fragile, elle fait de la haute pression, elle est âgée. Là, on est vraiment dans le feu de l'action, on ne sait pas ce qui va se passer », a expliqué à La Presse une dame qui était aux côtés de la mère du caïd assassiné afin de l'épauler dans cette épreuve.

- Avec Vincent Larouche

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Ducarme Joseph