Un dentiste de Terrebonne blâmé pour son travail bâclé, son manque d'intégrité et son «obstruction systématique» aux enquêtes du syndic retourne pour la énième fois aujourd'hui devant le conseil de discipline de son ordre professionnel.

Le syndic entend réclamer une «sévère radiation pour l'ensemble de l'oeuvre» de Pascal Terjanian, a indiqué à La Presse le syndic adjoint de l'Ordre des dentistes du Québec, Paul Morin. Depuis 14 ans, l'Ordre reproche au professionnel d'avoir commis des dizaines de fautes à l'égard d'au moins 10 patients, dont 23 fautes déjà prouvées.

Traitements de canal aussi inutiles que coûteux, soins inadéquats, mensonges, menaces contre des patients et des dentistes qui ont critiqué son travail: la liste des écarts dont M. Terjanian s'est rendu coupable est longue.

Le quadragénaire a aussi contrefait la signature d'une patiente et facturé à un patient et à son assureur des services non rendus ou initialement prétendus gratuits.

Jusqu'ici, le dentiste a seulement écopé d'une amende de 7500$ pour avoir mal soigné ses deux premières victimes de 1995. Quatre autres patients ne savent toujours pas quelle sanction sera imposée à leur ancien dentiste, et quatre autres attendent une décision du Conseil de discipline. Parmi ces dernières victimes, une femme semble avoir subi parmi les «pires choses jamais vues» par le syndic: le Dr Terjanian lui aurait apparemment taillé toutes les dents sans son consentement, précise le Dr Morin. Un adolescent aurait par ailleurs échappé de justesse à des extractions inutiles.

Au fil de ses démêlés professionnels, Pascal Terjanian a été radié plus d'une fois, la première, provisoirement, en 2010, parce qu'une patiente l'accusait d'avoir eu des relations sexuelles avec elle. Neuf jours plus tard, la Cour supérieure a toutefois jugé la radiation excessive à ce stade, et le dentiste a pu recommencer à pratiquer (l'affaire doit être entendue sur le fond à l'automne).

M. Terjanian a de nouveau été radié en 2013 (de façon provisoire) et en 2014, pour avoir bloqué une vingtaine d'enquêtes du syndic pendant 11 ans. À en croire les décisions du Conseil, tous les prétextes étaient bons pour ne pas répondre aux multiples demandes de son ordre professionnel: voyages à l'étranger, papiers égarés, problèmes administratifs, employés incompétents, maladie, surcharge de travail («Je travaille dans 3 cabinets 6 jours par semaine», a-t-il déjà écrit.)

«C'est tout le système disciplinaire au complet qu'il met en péril», a conclu le conseil de discipline, pour qui empêcher l'Ordre de répondre aux plaintes des patients est l'une de plus graves fautes professionnelles qui soient.

En avril dernier, le Tribunal des professions a toutefois jugé que cette décision comportait certains flous et a donc suspendu la radiation, pour protéger le droit d'appel du dentiste, qui a pu recommencer à pratiquer.

Harcelé

«Quand une requête en radiation "immédiate" est accordée seulement cinq ans plus tard, puis cassée, c'est un peu décourageant, souligne le Dr Paul Morin. C'est lourd, alors que les gens comptent sur nous pour les protéger.

«Est-ce que le Dr Terjanian est un danger public? Tout ce qu'il a fait, ça n'a pas de sens, on ne peut pas le tolérer», ajoute l'adjoint au syndic.

L'un des avocats de Pascal Terjanian, Robert Brunet, qualifie plutôt l'affaire de «lutte à finir» entre le bureau du syndic et son client. «C'est très difficile pour lui - psychologiquement, moralement et financièrement. Il ne peut pas avoir que des torts», estime le spécialiste en droit professionnel.

Depuis longtemps, le dentiste se dit victime d'acharnement. En novembre 2013, le conseil de discipline lui a toutefois rappelé: «Ce n'est pas le syndic qui a initié les enquêtes. Ce sont des patients du professionnel qui se sont adressés à l'Ordre des dentistes pour que la conduite d'un de ses membres soit examinée (et ils) avaient le droit d'obtenir une réponse.»

L'autre avocat du Dr Terjanian, Raphaël Lévy, affirme pour sa part qu'il révisera les décisions lorsqu'elles seront rendues et considérera alors «toutes les options», y compris la possibilité d'interjeter appel. C'est lui qui représentera le dentiste devant le conseil de discipline aujourd'hui.

À lire notre dossier complet dans La Presse+, jeudi.

Cas psychologique

Un psychologue «a été appelé en octobre 2013 à procéder à une évaluation psychologique de [Terjanian] dans le but de fournir une explication à la conduite de ce dernier qui faisait défaut de façon répétitive de se plier aux demandes du syndic de son ordre. Le psychologue avait conclu à l'époque que de telles réactions étaient souvent rencontrées chez les personnes qui se sentent menacées dans leur intégrité. Il avait donc recommandé à l'intimé de retenir les services professionnels d'un psychologue, ce qu'il fit».

- Extrait de la décision du conseil de discipline, qui a radié Terjanian pour 30 mois en février 2014.