La GRC a annoncé lundi le dépôt d'accusations criminelles contre un ancien adjoint conservateur du Québec. Hubert Pichet est accusé d'avoir été payé pour faire du lobbying auprès du gouvernement fédéral alors qu'il travaillait pour un sénateur.

Dans une brève déclaration, la Gendarmerie royale du Canada a affirmé qu'Hubert Pichet, âgé de 58 ans, avait reçu des fonds de compagnies désirant faire affaire avec le gouvernement, « prétendant pouvoir influencer l'attribution de contrats ».

Il fait face à cinq chefs d'accusations, dont celle de fraude contre le gouvernement et d'abus de confiance par un fonctionnaire public. Il comparaîtra au Palais de justice de Montréal le 1er mai.

Les compagnies en question sont JCG Communications et Can-Am Modev H2R-D inc.  La première était la propriété de Jacques C. Gagnon, qui a été directeur des communications pour l'ex-ministre conservateur Michael Fortier.

Joint par La Presse, M. Gagnon a affirmé qu'il a été berné par M. Pichet, qui lui aurait dit avoir le droit de recevoir des paiements en échange de représentations auprès du gouvernement.

Le dirigeant de JCG Communications a dit lui avoir remis deux chèques de 2000 dollars pour organiser des rencontres avec des députés, dans le but de les sensibiliser à la cause de l'un de ses clients, Génome Québec.

Le tiers du financement de l'organisme créé en 2000 provient du gouvernement fédéral, a expliqué M. Gagnon. Or, la nature complexe de ses activités nécessite parfois des explications et il ne pouvait lui-même faire de représentations auprès d'élus, en raison de son départ récent d'un cabinet de ministre.

« Ce n'est pas deux chèques de 2000 $ à Hubert Pichet qui ont changé quoi que ce soit », a-t-il déclaré.

Il a été impossible de joindre M. Pichet et le propriétaire de Can-Am Modev H2R-D inc.

La compagnie basée à Oka, qui fait de la recherche et du développement dans le domaine de l'hydrogène et de l'électricité, a reçu au moins une subvention du gouvernement fédéral : 30 000 $ du Conseil national de recherches du Canada, en juin 2009.

Cette date coïncide avec celles évoquées dans les documents de cour déposés par la GRC. Le corps policier a déclaré qu'entre septembre 2008 et le 30 juin 2009, M. Pichet a accepté « d'une personne qui avait des relations d'affaires avec le gouvernement [...] une récompense, un avantage ou un bénéfice ».

Autre histoire de lobbying

M. Pichet est un conservateur de longue date issu de la mouvance progressiste-conservatrice de l'ère Mulroney. Il a occupé le poste d'adjoint du sénateur conservateur et ancien organisateur Pierre-Claude Nolin jusqu'en 2011. Il a aussi été adjoint dans le bureau du premier ministre Mulroney et il s'est présenté comme candidat du Parti conservateur dans une circonscription de Montréal en 2008.

L'enquête de la GRC a débuté dans la foulée d'une controverse impliquant l'ancien lobbyiste montréalais Gilles Varin et le dirigeant de la compagnie LM Sauvé, Paul Sauvé.

Le Globe and Mail et Radio-Canada ont rapporté en 2010 que l'entreprise avait eu recours à un lobbyiste non enregistré entre 2007 et 2009 pour l'aider à obtenir un contrat de 9 millions de dollars auprès du ministère des Travaux publics.

Le contrat en question, pour la réfection de l'édifice de l'ouest du parlement, a été accordé en mai 2008. Cet immeuble loge des bureaux de députés, des salles de comité et une cafétéria. LM Sauvé a perdu le contrat après avoir déclaré faillite, en 2009.

Comparaissant devant un comité parlementaire, Gilles Varin avait admis avoir reçu environ 120 000 $ pour fournir des conseils à l'entreprise de Paul Sauvé. Il s'était défendu d'avoir fait du lobbying illégal.

Son travail, a insisté M. Varin, n'avait consisté qu'à présenter des connaissances à M. Sauvé et à le conseiller sur la manière dont il devait s'inscrire dans la banque de fournisseurs de services autorisés du gouvernement fédéral.

Il a de plus nié avoir fait des démarches directes auprès de membres du gouvernement, sauf pour une brochure promotionnelle de l'entreprise, qu'il a remis à Hubert Pichet, alors adjoint du sénateur Nolin, lors d'une rencontre fortuite dans un restaurant de Montréal.

Dans une déclaration écrite, M. Pichet avait expliqué en 2010 que cette rencontre «fortuite» avait eu lieu au restaurant le Mas des Oliviers, une destination populaire parmi les conservateurs de la métropole, et que sa «seule implication fut de dire à M. Varin de contacter le personnel politique du bureau du ministre pour obtenir les renseignements».

M. Varin avait aussi rencontré Bernard Côté, adjoint du ministre des Travaux publics de l'époque, Michael Fortier, au même restaurant. Mais M. Côté a affirmé qu'il ne l'avait pas aidé.

M. Varin est décédé depuis.

Les documents de cours déposés par la GRC ne contiennent aucune accusation contre M. Varin, LM Sauvé ou Paul Sauvé.

Brazeau devant les tribunaux

La nouvelle concernant ces accusations survient le jour où le dossier de l'ancien sénateur conservateur Patrick Brazeau est retourné devant les tribunaux. Il est accusé d'avoir présenté des réclamations de dépenses frauduleuses aux contribuables pour plusieurs dizaines de milliers de dollars en frais de logement et de subsistance. Son dossier a été remis au 28 avril, lundi, à Ottawa.

Le dossier de l'ancien sénateur libéral Mac Harb, qui fait face à des accusations semblables, sera devant la cour mardi.