Frédéric Faucher, considéré comme le chef guerrier des Rock Machine durant la guerre des motards, a échoué la semaine dernière dans sa tentative d'obtenir sa liberté.

« Vous demeurez un membre influent et respecté au sein du milieu des motards. Votre criminalité en est une de choix et la Commission - des libérations conditionnelles du Canada - n'est nullement convaincue à ce stade-ci que vous ferez le bon choix dans le futur », concluent les commissaires Pierre Cadieux et Paul Turmel dans leur décision rendue mercredi.

Faucher purge depuis novembre 2012 une peine de 23 ans de prison pour avoir comploté les meurtres d'une douzaine d'individus liés aux Hells Angels entre 1994 et 2002. Il avait été arrêté en 2009 avec d'autres individus, à la suite des aveux de l'énigmatique tueur à gages des Rock Machine devenu témoin repenti, Gérald Gallant. Si Faucher est devenu si rapidement admissible à une libération conditionnelle, c'est que le juge a tenu compte d'une autre lourde sentence prononcée en 2001.

Le groupe que dirigeait Faucher avait acquis des armes pour plus de 20 000 $ et utilisé et fabriqué plusieurs bombes, dont l'une avait été retrouvée dans sa chambre. Se déplaçant constamment avec un gilet pare-balles, il a été victime d'au moins une tentative et un complot de meurtre durant la guerre des motards.

Après cet épisode, Faucher a fait comme plusieurs Rock Machine et a retourné sa veste. Ironiquement, 160 morts et blessés plus tard, d'anciens Rock Machine, tels Salvatore Cazzetta et Gilles Lambert sont parmi les membres les plus influents des Hells Angels aujourd'hui. « Ce sont des traîtres pour vous ? », lui a demandé le commissaire Pierre Cadieux lors de son audience à laquelle La Presse a assisté. « Absolument pas. Mais je ne parlerai pas des autres, je parlerai de moi », a-t-il répondu.

Mais Faucher n'a pas beaucoup parlé de lui à l'époque de la guerre des motards. Les commissaires sont restés sur leur faim, eux qui voulaient surtout savoir comment il a pu poser des actes si violents et gravir si rapidement les échelons de l'organisation. « Je parlais anglais et plusieurs chefs étaient emprisonnés. Je n'avais aucune compétence scolaire, pas d'éducation, pas de métier. Ça commence petit, puis ça fait boule de neige et on se rend compte qu'on est pris dans un engrenage dont on ne peut pas sortir », a raconté Faucher, s'empressant d'ajouter ne pas avoir vécu d'abondance bien longtemps, car il a passé plus de temps de sa vie adulte en prison qu'en liberté. « J'ai fait partie du problème, mais j'ai aussi fait partie de la solution », a-t-il dit, faisant allusion à la paix négociée avec Maurice Boucher.

Les renseignements indiquent que Faucher a été vu en train de discuter avec des motards dans la cour de l'établissement, ce qui a fait sourciller les commissaires.

Mais Faucher a assuré que son ancienne vie était derrière lui depuis le jour de la naissance de son enfant. « J'espère avoir le temps de faire le bien un peu avant de devoir expliquer mon passé à mon fils », a-t-il lancé.

Le détenu a suivi un cours en génie civil dans un cégep de Montréal. Il se dit spécialiste en béton et, une fois libéré, il veut retourner dans une entreprise de construction pour laquelle il a déjà travaillé.

S'exprimant dans un français parfois châtié, très bien préparé, peut-être même un peu trop, Faucher a commencé à percer la carapace des commissaires lorsqu'il s'est mis à parler avec ses tripes plutôt qu'avec ses notes. « Vous êtes un stratège », l'a cependant ramené sur terre le commissaire Cadieux.

« Vous êtes un leader et vous êtes intelligent. La question est de savoir quel choix vous allez faire. Si vous voulez vous réimpliquer auprès des motards, vous avez des chums qui vont vous reprendre les bras ouverts », ont ajouté les commissaires avant de prendre la décision en délibéré. Ils ont finalement opté pour la ligne dure.