Suspendus sans solde depuis le mois de juin, deux officiers supérieurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) pourront recevoir leurs émoluments jusqu'à ce qu'un jugement de fond décide de leur sort, a tranché la Cour du Québec il y a quelques jours.

La Ville de Montréal a plaidé sans succès que les suspensions sans solde imposées à l'inspecteur-chef Giovanni Di Feo et à l'inspecteur Jimmy Cacchione étaient justifiées en raison de la gravité des fautes qui leur sont reprochées.

Les deux hommes doivent comparaître devant un Comité de discipline les 17 et 18 octobre.

Mais les trois juges qui siégeaient à la division administrative de la Cour du Québec ont noté que l'interruption de salaire irait bien au-delà de cette date, vu les contestations juridiques annoncées.

Enquête

Les policiers Giovanni Di Feo et Jimmy Cacchione, de même que Luigi Coretti, patron de la défunte firme de sécurité BCIA en attente d'un procès pour fraude, ont été mis sur écoute électronique entre le 10 décembre 2012 et le 7 février dernier.

Le 17 juin dernier, MM. Di Feo et Cacchione ont été convoqués au quartier général du SPVM, où on leur a annoncé qu'ils avaient été sur écoute et qu'ils étaient suspendus sans solde, pour des infractions disciplinaires graves. On leur reprochait leur manque de loyauté envers l'employeur, le bris du lien de confiance, des fréquentations douteuses et des manquements aux procédures opérationnelles.

Du jour au lendemain, ils se sont retrouvés sans emploi et sans salaire. Une perte de 133 000$ par année pour M. Di Feo et de 122 000$ pour M. Cacchione.

Salir le directeur

Le SPVM reproche notamment aux deux policiers d'avoir comploté pour envoyer une lettre aux médias et au ministère de la Sécurité publique afin de salir la réputation du directeur Marc Parent et d'autres membres du SPVM. Des propos injurieux auraient aussi été tenus à l'égard de M. Parent, des directeurs adjoints Pierre Brochet et Bruno Pasquini, et de l'inspecteur-chef Daniel Touchette.

Autre manquement reproché: M. Di Feo aurait accepté quatre billets de hockey pour aller voir le match entre le Canadien et les Bruins, le 1er février dernier.

Les billets provenaient d'un représentant de Motorola, entreprise qui a soumissionné sur la phase 2 du projet de renouvellement des infrastructures de télécommunications au SPVM.

On reproche aussi aux deux hommes d'avoir eu des contacts réguliers avec Luigi Coretti, et d'avoir conseillé ce dernier dans ses démarches à la cour et avec les médias. M. Di Feo est le parrain du fils de M. Coretti.

M. Cacchione s'attire aussi les foudres du SPVM pour avoir commandé une enquête personnelle à l'un de ses sergents-détectives, afin de déterminer l'identité d'un propriétaire de commerce. Cette information devait être divulguée à M. Coretti pour son dossier à la Cour, soutient le SPVM.

Au moment des événements, M. Di Feo gérait l'ensemble des activités policières de la région Ouest. Il était le supérieur immédiat de M. Cacchione. Le SPVM compte demander leur destitution devant le Comité de discipline.

BCIA et ses liens douteux

La firme de sécurité BCIA surveillait plusieurs institutions publiques, dont le quartier général de la police.

> Octobre 2011: Tony Tomassi, ex-ministre de la Famille dans le gouvernement Charest, est arrêté et accusé d'avoir accepté de la firme BCIA une carte de crédit offerte par Luigi Coretti.

> Juin 2012: Luigi Coretti est accusé de fraude, faux et usage de faux, pour avoir surévalué ses comptes clients afin d'obtenir du financement des institutions financières.