Le Bureau de la concurrence s'est attaqué à un important joueur du monde municipal, mardi, dans le cadre d'une enquête sur ce que le rapport Duchesneau appelait le «cartel de l'éclairage». Les enquêteurs ont perquisitionné chez une grande firme d'avocats spécialisée en droit des municipalités, et dont l'un des associés est représentant pour un fournisseur de lampadaires routiers.

«Les agents sont en train de recueillir de l'information sur la vente de produits d'éclairage routier et de structures de signalisation», a confirmé la porte-parole de l'organisme fédéral d'application de la loi, Gabrielle Tassé, lorsque jointe par La Presse. Le Bureau de la concurrence est chargé d'enquêter sur les pratiques anticoncurrentielles et les cartels.

Selon nos sources, deux entreprises qui étaient dans la ligne de mire des enquêteurs sont Pole Lite, de Saint-Philippe, et Feralux, de Sainte-Julie. Il s'agit là des deux fournisseurs de lampadaires et de hauts mâts dominants sur le marché québécois. Ils appartiennent tous aujourd'hui à des intérêts américains.

Une perquisition a aussi été menée dans le bureau longueuillois de l'avocat Benoît Montgrain, associé de la firme Bélanger Sauvé. Me Mongrain est l'ancien président de Feralux. Lorsque l'entreprise a été vendue, il a mis sur pied une agence commerciale et est devenu le représentant Feralux pour les ventes au Québec.

L'avocat de Longueuil

Me Montgrain a aussi été l'avocat qui a représenté la Ville de Longueuil pendant plus de 30 ans. Les mandats qui lui étaient attribués par la municipalité avaient fait la manchette en 2002, car l'avocat était alors un proche du maire de l'époque, Jacques Olivier. Il s'occupait notamment de causes de révision d'évaluations foncières.

Plusieurs enquêteurs du Bureau de la concurrence avaient les deux mains dans la paperasse, en train de remplir des boîtes et des boîtes de documents, aux côtés de Me Montgrain, lorsque La Presse est passée aux bureaux de l'avocat, mardi. Celui-ci n'a pas souhaité nous parler. Ses employés ont appelé la police et demandé qu'on empêche la prise de photos.

Me René Piotte, associé directeur à la firme Bélanger Sauvé, a expliqué que la firme n'a rien à voir avec les activités de son associé dans l'industrie de l'éclairage.

«Me Montgrain est affilié au cabinet depuis deux ans et consacre l'essentiel de ses activités à l'extérieur de notre société. L'entreprise qui est visée par la perquisition est une entité dans laquelle nous ne sommes nullement impliqués et sur laquelle nous n'exerçons conséquemment aucun contrôle», a-t-il déclaré.

«Tout un marché»

Dans son rapport déposé après avoir quitté la direction de l'Unité anticollusion, en septembre 2011, Jacques Duchesneau écrivait que l'industrie de l'éclairage routier représente «tout un marché» au Québec.

Un marché dominé par un petit groupe d'entrepreneurs regroupés en cartel, prétendait-il. Les gros clients dans ce marché sont les municipalités et le ministère des Transports du Québec.

«Un unique fournisseur contrôle la majeure partie du marché des luminaires, alors que deux fabricants et distributeurs de hauts mâts et lampadaires se partagent, quant à eux, la quasi-totalité de ces ventes», lit-on dans le document.

L'équipe de Jacques Duchesneau avait aussi découvert que certains joueurs versaient des «commissions occultes» pour favoriser leur position dans le marché et que les fournisseurs cherchaient à convaincre les firmes de génie d'exiger seulement leurs produits lors de la rédaction des plans et devis.

Aucune des allégations du rapport n'a été prouvée devant les tribunaux et aucune accusation n'a été portée relativement à ces découvertes jusqu'ici.