Rémy Couture est un maquilleur de talent et il a le droit de pratiquer son art. Là n'est pas le problème. Ce que le ministère public lui reproche, c'est la nature des images qu'il a mises en circulation. Ces images de femmes torturées, agressées sexuellement et tuées peuvent nourrir les fantasmes des esprits déviants.

C'est ce qui se dégage de la plaidoirie que la procureure de la Couronne Geneviève Dagenais a livrée, jeudi après-midi, au procès du maquilleur Rémy Couture. Me Dagenais a signalé d'emblée qu'il n'y avait pas de «complot» de la Couronne, de la police et des experts contre lui. S'il se retrouve accusé aujourd'hui, c'est qu'il a diffusé du matériel «tellement choquant» sur le web qu'un internaute en Autriche a fait une plainte en 2005. Le dossier a été réactivé en 2009 et a mené à son arrestation.

M. Couture s'est mis dans la tête d'un tueur en série pour créer son oeuvre. «Tous les sujets correspondent à des paraphilies. C'est un catalogue de ce qui excite les déviants sexuels. Ces images peuvent causer un préjudice à la société, a dit la procureure. On y voit aussi un enfant se faire battre à coups de batte de baseball, égorger et mettre dans un sac. En quoi est-ce de l'art?» a-t-elle lancé, avant de demander au jury de tracer une ligne pour la sécurité du public.

Me Robert Doré, avocat de l'accusé, a pour sa part soutenu qu'il faut laisser les artistes s'exprimer et ne pas les exposer à des poursuites criminelles ou civiles. Il a dit au jury que ce procès est d'intérêt national parce qu'il met en question la liberté d'expression. Il a admis que le matériel de M. Couture n'est pas pour tout le monde. Lui-même n'est pas friand du genre, tandis que d'autres en redemandent. Les artistes sont à l'avant-garde de la société, a-t-il fait valoir: ce qui peut choquer à un moment peut ne plus choquer 20 ans plus tard. Les impressionnistes, en leur temps, étaient très mal vus. Il a repris ce mot célèbre attribué à Voltaire: «Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous puissiez le dire.»

Les deux avocats se sont aussi employés à miner la crédibilité des experts de l'autre partie.

M. Couture est accusé de corruption de moeurs ainsi que de fabrication, de possession et de distribution de matériel obscène. L'homme de 35 ans, qui se spécialise en maquillage d'effets spéciaux, a été arrêté le 29 octobre 2009. Les plaintes provenaient de deux internautes européens choqués par le matériel que M. Couture avait mis en ligne sur son site, InnerDepravity. Pour ce dernier, il s'agissait d'une sorte de portfolio de son travail.

Le jury de sept femmes et cinq hommes commencera à délibérer vendredi, quand le juge Claude Champagne aura fini de leur donner ses directives.