La Cour suprême du Canada a confirmé jeudi que dans certaines circonstances, un tribunal pourrait autoriser une femme à porter un niqab durant son témoignage.

Dans une décision fort partagée, une mince majorité de quatre juges a établi une série de critères pour guider les tribunaux qui devront désormais trancher cette question au cas par cas.

En l'espèce, la Cour suprême a renvoyé la question au juge de première instance pour qu'il prenne une décision en fonction de ces nouveaux critères.

La cause impliquait une Ontarienne de foi musulmane, seulement connue par les initiales N.S. En 2007, elle a porté plainte pour agression sexuelle à l'égard de son oncle et son cousin.

Lors de l'enquête préliminaire, une étape des procédures qui a lieu avant le procès, elle a invoqué des motifs religieux pour demander de pouvoir conserver son niqab lors de son témoignage.

Mais le juge de la Cour supérieure de l'Ontario a conclu que la conviction de la plaignante n'était « pas tellement forte » et il lui a ordonné d'enlever son niqab.

La cause oppose le droit de l'accusé à un procès équitable à la liberté religieuse, tous deux garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour suprême a rappelé qu'en droit canadien, le droit à un procès équitable inclut la possibilité de voir le visage d'un témoin pour mener un contre-interrogatoire efficace et juger de sa crédibilité.

Ainsi, la majorité du plus haut tribunal du pays a confirmé jeudi la décision rendue par la Cour d'appel de l'Ontario il y a plus de deux ans : pas question d'imposer une mesure absolue autorisant ou interdisant le voile intégral en toute circonstance.

« Ces deux extrêmes doivent être rejetés en faveur d'une troisième solution : permettre au témoin de déposer à visage voilé à moins que cela ne porte atteinte d'une façon injustifiée au droit de l'accusé à un procès équitable », a écrit la juge en chef Beverley McLachlin au nom de la majorité.

Reprenant le raisonnement de la Cour d'appel de l'Ontario, la Cour suprême a établi un cadre d'examen en quatre étapes pour trancher la question. Une croyance religieuse sincère doit d'abord être établie. Il doit aussi exister un risque sérieux pour l'équité du procès. En troisième lieu, il ne doit pas y avoir de moyen de permettre aux deux droits de coexister pour éviter le conflit qui les oppose. Enfin, et si aucun « accommodement » n'est possible, il faut soupeser les effets bénéfiques et préjudiciables qu'entraîneraient le port du niqab. Cette dernière étape implique des facteurs contextuels, comme l'importance du témoignage pour la cause débattue ou les personnes présentes dans la salle d'audience.

On devrait donc savoir dans les prochains mois quelle interprétation le juge de première instance fera de ces critères et si N.S. pourra témoigner le visage voilé par un niqab dans les circonstances.