Une opération policière d'envergure menée en 2006 contre un réseau de trafiquants d'armes et de stupéfiants refait surface en Cour suprême. L'opération Cléopâtre n'a donc pas fini de faire parler d'elle. Deux des accusés ont en effet obtenu jeudi la permission de s'adresser à la Cour suprême pour faire casser une décision de la Cour d'appel, qui avait elle-même cassé une décision du tribunal de première instance.

Menée par la GRC et la SQ à l'été 2006, l'opération Cléopâtre a décapité le réseau, qui opérait notamment sur le territoire de Kanesatake. Mais en novembre 2008, le juge Gilles Garneau, de la Cour du Québec, a décrété l'arrêt du processus judiciaire aux motifs que des procureurs de la Couronne avaient abusé de leurs droits et que des policiers avaient modifié leur témoignage.

La Couronne a porté la cause devant la Cour d'appel, qui a cassé la décision et ordonné la tenue d'un nouveau procès. Mais les avocats de deux des accusés ont obtenu la permission d'en appeler à la Cour suprême. La cause ne sera vraisemblablement pas entendue avant un an et le nouveau procès, qui devait débuter en avril, sera probablement annulé.

«Je suis très content. C'est rare que la Cour suprême casse une décision unanime de la Cour d'appel. Cela démontre qu'elle considère que les points de droit soulevés sont d'intérêt national», a déclaré Me Patrick Davis, avocat de l'un des accusés, Sergio Piccirilli.

Un ours aux griffes acérées

Piccirilli, 52 ans, alias «Grizzly», est une figure aussi énigmatique qu'influente dans le crime organisé. Ami d'enfance d'un membre important des Hells Angels, Salvatore Cazzetta, il a également des liens étroits avec une famille mafieuse de l'Ontario.

Au milieu des années 2000, le Calabrais s'était retrouvé au coeur d'un litige de 9 millions de dollars entre les Rizzuto et la famille D'Amico, de Granby, à la suite d'une opération d'exportation de marijuana aux États-Unis qui avait mal tourné. Le conflit a failli dégénérer en guerre ouverte.

Des soldats du clan Rizzuto en hélicoptère ont tiré des rafales de AK-47 sur la maison d'un membre de la famille D'Amico. Piccirilli lui-même est entré dans le quartier général des Siciliens, le café Consenza, avec une arme à la main. À un autre moment, ses hommes, qui encerclaient le café de la rue Jarry et voyaient Nicolo Rizzuto jouer aux cartes, lui ont demandé la permission d'ouvrir le feu, mais Piccirilli ne la leur a jamais donnée, selon la preuve de l'opération Colisée.

Piccirilli, qui aurait été armurier dans l'armée, aurait déjà été chauffeur pour les Siciliens et même tueur à gages. Il se serait brouillé avec ses patrons après avoir refusé de tuer un enfant et sa mère pour une dette. La police n'exclut pas qu'il ait joué un rôle dans la lutte de pouvoir qui a provoqué la chute des Rizzuto en 2010. Les policiers l'auraient avisé dernièrement que sa vie était menacée.

Sergio Piccirilli, qui posséderait un bar de danseuses à L'Avenir, près de Drummondville, a déjà été en conflit avec un membre des Hells Angels, Claude Pépin, qui voulait prendre le contrôle de son établissement. C'est Salvatore Cazzetta qui a réglé le différend.

Selon des renseignements qui n'ont toutefois pas été confirmés par la police, Piccirilli, Cazzetta et d'anciens Rock Machine auraient des liens avec les Devil's Ghosts, un nouveau groupe de motards qui a fait son apparition au début de l'été et dont le territoire serait la couronne nord de Montréal.