Même si elle fait rêver les contribuables, l'idée d'un recours collectif contre la Ville de Montréal est «peu réaliste», selon les juristes interrogés par La Presse.

Tenter par cette voie de récupérer les centaines de millions engloutis dans la collusion et la corruption, selon les témoignages entendus à la commission Charbonneau, «c'est possible, techniquement», convient Marc-Antoine Cloutier, directeur général de Juripop.

«Mais il faut encore le prouver et on ne peut utiliser les témoignages de la Commission. Il faut se lever de bonne heure.»

Selon lui, c'est plutôt le rôle de la Ville d'aller chercher son argent auprès des entrepreneurs qui l'auraient flouée. Le problème, précise Paul Unterberg, avocat montréalais spécialisé dans les recours collectifs, c'est la solvabilité de ces entreprises si elles devaient être condamnées à payer de fortes sommes. «Il ne s'agit pas seulement d'obtenir un jugement, il faut qu'il y ait encore une entreprise à l'autre bout. C'est facile de vider une coquille.»

Pilori et oeufs pourris

«Plusieurs» citoyens ont pris contact avec son cabinet au cours des derniers jours pour se renseigner sur la possibilité d'un tel recours collectif, précise-t-il. «Je ne dis pas que c'est impossible, mais ça me paraît très théorique tant qu'il n'y a pas plus de faits, ajoute Philippe Trudel, du cabinet Trudel et Johnston. Ce serait plutôt un exutoire.»

À la blague, il estime qu'on obtiendrait un meilleur résultat «en clouant les gens au pilori et en leur lançant des oeufs pourris». «Les gens pensent que les recours collectifs sont une panacée, mais la première question qu'on doit se poser, c'est: Contre qui on le ferait? Et qui on représenterait? «

Qu'un groupe de citoyens poursuivent leur propre municipalité est possible et les tribunaux l'ont reconnu, rappelle Guillaume Rousseau, directeur général adjoint de la Clinique juridique Juripop de l'Estrie et avocat spécialisé en droit municipal. Mais cette fois, il s'agirait vraisemblablement de l'ensemble des contribuables montréalais qui seraient impliqués, «ce qui n'est pas nécessairement logique».

«Les citoyens se poursuivent finalement eux-mêmes. Si la Ville perd, elle augmentera les taxes. En plus, il y aura des sommes incroyables en frais.»