Le Dr Arthur Porter, déjà ciblé par une enquête anticorruption sur le partenariat public-privé (PPP) du Centre universitaire de santé McGill, est mêlé à un scandale similaire aux îles Turks et Caicos, où certains politiciens craignent un «énorme et complexe stratagème frauduleux».

L'affaire est sur toutes les lèvres dans le petit archipel britannique des Caraïbes. Elle concerne l'hôpital de Provinciales, l'un des deux hôpitaux des îles Turks et Caicos construits et gérés en PPP par l'entreprise torontoise Interhealth Canada depuis 2008.

Arthur Porter est proche du grand patron d'Interhealth, George Commander, qui est son partenaire dans une autre firme privée, Griffon Healthcare, spécialisée dans la création de centres anticancer.

Dans les mois qui ont suivi sa démission comme patron du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) en décembre 2011, Arthur Porter et un troisième dirigeant de Griffon se sont vu confier par Interhealth le service d'oncologie de l'hôpital de Provinciales.

Selon l'annonce publiée à l'époque, ce service d'oncologie fait partie d'un réseau de soins implanté aussi à Antigua, Saint-Kitts, Trinité-et-Tobago et aux Bahamas, où Porter dirige depuis longtemps une clinique d'oncologie. L'accord avec Interhealth prévoit d'ailleurs que les patients de Provinciales pourront être traités aux Bahamas au besoin.

«Au bord de la faillite»

Récemment, le contrat de 7600 pages entre le gouvernement des îles Turks et Caicos et Interhealth a été dévoilé pour la première fois par un média local, le TCI News Now.

Les calculs repris par différents médias parlent de gigantesques dépassements de coûts. À terme, les deux hôpitaux totalisant 30 lits et leur gestion auront coûté 500 millions en fonds publics, pour un archipel d'environ 40 000 habitants où le produit intérieur brut (PIB) avoisine les 720 millions. En cas d'annulation du contrat, le gouvernement local devra payer une pénalité de 125 millions.

«Les immenses obligations financières actuelles créées par l'accord, qui au bout du compte ont dû être financées par la population par l'entremise de hausses de taxes, ont mené le territoire au bord de la faillite», a dénoncé le TCI News Now.

Alors que la campagne électorale bat son plein dans l'archipel, les deux candidats au titre de premier ministre ont montré le projet hospitalier du doigt.

Le chef du Mouvement démocratique du peuple, Oswald Skippings, a promis de «libérer» la population de ce plan «coûteux et complexe», en «prenant des mesures judiciaires pour déjouer la corruption ou, dans le pire des cas, en payant pour se débarrasser de l'engagement».

Selon lui, le projet équivaut à «un stratagème frauduleux énorme et complexe qui semble délibérément et hypocritement conçu pour flouer le public et le gouvernement de dizaines de millions de dollars annuellement».

Son adversaire, Rufus Ewing, chef du Parti progressiste national et ancien responsable des services médicaux de l'archipel, a promis de revoir le dossier dès son élection et a assuré que le contrat pourrait être remis en question.

Commission d'enquête

Les îles Turks et Caicos vivent leur première élection depuis 2009, année où le Royaume-Uni a limogé le gouvernement local et placé son administration sous tutelle à la suite d'allégations de corruption généralisée.

Cette année-là, un ancien juge de la Cour d'appel qui présidait une commission d'enquête sur la corruption aux îles Turks et Caicos a suggéré que les autorités enquêtent sur les contrats de construction des deux hôpitaux, en raison d'allégations selon lesquelles les coûts avaient été gonflés et le processus d'attribution du contrat, mal encadré.

Interhealth n'a pas répondu aux demandes d'entrevue de La Presse.

Rappelons que, le 1er octobre, La Presse a révélé que des dirigeants de SNC-Lavalin étaient soupçonnés d'avoir fait des paiements douteux de 22 millions pour mettre la main sur le contrat du Centre universitaire de santé McGill. La police tente de déterminer le rôle d'Arthur Porter dans cette affaire à titre de directeur général de l'établissement.