Un Québécois accusé de conduite en état d'ébriété parce qu'il attendait un taxi dans son véhicule en marche a été acquitté par la Cour suprême du Canada.

Dans un jugement rendu vendredi, le plus haut tribunal du pays a précisé les articles du Code criminel sur la conduite en état d'ébriété.

Et la Cour fait comprendre que l'affaire sur laquelle elle s'est penchée est un cas d'espèce.

Car être ivre dans un véhicule en arrêt est toujours un acte criminel. Mais ici, parce que l'accusé avait un plan réel pour rentrer chez lui sans conduire, il ne présentait pas de danger pour la sécurité publique, conclut la Cour.

Selon le jugement de la Cour suprême, il faut qu'il y ait un «risque réaliste de danger» et non pas juste un «risque hypothétique» qu'une personne ivre mette un véhicule en marche et conduise en état d'ébriété.

Le soir des événements, en février 2009, l'accusé, Donald Boudreault, sachant qu'il est ivre, fait appeler un taxi pour rentrer chez lui.

Comme il fait froid, il décide d'attendre le taxi dans sa camionnette. Il s'assoit dans le siège du conducteur, démarre la camionnette pour mettre le chauffage et s'endort.

Lorsque le chauffeur de taxi est arrivé, quelque 25 minutes plus tard, au lieu de réveiller son client et de le reconduire chez lui, il a appelé la police. M. Boudreault a alors été arrêté pour avoir eu la garde et le contrôle d'un véhicule alors qu'il était ivre.

M. Boudreault a été accusé de conduite avec facultés affaiblies et de conduite avec une alcoolémie supérieure à 0,08.

Il a été acquitté après son procès. Le juge a considéré qu'il n'y avait eu aucun risque qu'il mette le véhicule en marche. L'accusé avait un plan pour ne pas conduire et ce plan aurait fonctionné.

La Cour d'appel du Québec avait par la suite cassé cette décision: selon elle, il y avait un risque que M. Boudreault conduise, car il aurait pu se réveiller à tout moment et, puisqu'il était ivre, aurait pu démarrer le véhicule. La Cour a donc déclaré M. Boudreault coupable sous les deux chefs d'accusation. Il risquait une peine maximale de cinq ans.

La situation est particulière, écrit le juge Morris Fish, de la Cour suprême.

«Je le répète, toute personne qui était ivre et qui occupait la place du conducteur d'un véhicule qu'elle pouvait, dans les faits, mettre en mouvement sera déclarée coupable - et devrait l'être - dans presque tous les cas.»

Mais la condamnation n'est toutefois pas automatique, précise-t-il. «En pratique, pour éviter d'être déclaré coupable, l'accusé devra faire face, sur le plan tactique, à la nécessité de présenter des éléments de preuve tendant à prouver que ce risque intrinsèque de danger n'était pas réaliste dans les circonstances particulières de l'affaire.»

Après avoir précisé que, même après avoir appelé un taxi, une personne peut changer d'avis et démarrer le véhicule, la Cour a indiqué qu'il appartient au juge du procès de déterminer si une personne risquait ou non, d'une manière réaliste, de conduire à un moment donné. Or, le juge du procès est arrivé à la conclusion que M. Boudreault ne risquait pas de conduire son véhicule en état d'ébriété, et la Cour suprême souligne que cette conclusion n'est pas sujette à révision en appel.