Le ministère de la Justice a dépensé plus de 1 million dans le litige entre l'avocate transgenre Micheline Montreuil et les Forces canadiennes, selon les documents obtenus par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information. «C'est du gaspillage de fonds publics», estime Me Montreuil.

En 2002, Micheline Montreuil a porté plainte contre les Forces canadiennes devant le Tribunal canadien des droits de la personne. Elle leur a réclamé 547 000$ pour avoir refusé sa demande d'enrôlement faite trois ans plus tôt. L'avocate jugeait que les Forces l'avaient rejetée en raison de son «sexe et d'une perception de déficience».

Au terme du procès, qui s'est déroulé d'octobre 2006 à décembre 2007, le juge Pierre Deschamps a rejeté la plainte de Me Montreuil, car il a conclu qu'elle n'avait pas été en mesure de prouver son point.

Le ministère de la Justice, qui représentait les Forces canadiennes, a dépensé quelque 1 054 000$ pour payer les salaires des trois avocats affectés au dossier et les autres frais liés au litige.

Étant donné que Micheline Montreuil réclamait la moitié de cette somme, n'aurait-il pas été préférable de négocier une entente?

«De façon générale, il n'y va pas de l'intérêt public de négocier des causes sans bien-fondé, même si les coûts liés à une défense peuvent, dans certains cas, excéder le total d'une solution négociée», répond Carole Saindon, conseillère principale relations avec les médias au ministère de la Justice.

Mme Saindon ajoute qu'il n'est «pas toujours possible de prévoir la durée d'un procès». Tout dépend des décisions du tribunal et des parties en cause, dit-elle.

Micheline Montreuil, pour sa part, qualifie ces frais de «ridiculement exagérés». Elle se désole que le procès se soit étiré sur 90 jours d'audition, «un record», dit-elle.

«À un moment donné, ils étaient même quatre avocats du gouvernement dans la salle. Il y avait souvent deux psychologues et un psychiatre. Ça n'a ni queue ni tête. Je n'ai jamais vu ça dans aucun dossier.»

«Pour eux, c'était une question de principe: ils ne voulaient pas négocier, ajoute-t-elle. Ils voulaient me battre à tout prix.»

Deuxième cause

Le ministère de la Justice a dépensé 148 000$ dans une autre affaire de discrimination impliquant Micheline Montreuil, selon les documents obtenus par La Presse.

Ces frais ont servi à assurer la défense du Comité des griefs des Forces canadiennes, contre qui Micheline Montreuil a porté plainte en 2004. Bien qu'elle se soit qualifiée au concours, le Comité ne lui a jamais offert un poste d'agent de griefs.

Micheline Montreuil a gagné cette cause. En 2007, le Tribunal canadien des droits de la personne a ordonné au Comité des griefs des Forces canadiennes de lui verser des indemnités de 44 000$, plus les intérêts. La Cour fédérale a rejeté l'appel du Comité.

Me Montreuil a l'impression que ces litiges, qui ont coûté cher au gouvernement fédéral, ne sont pas étrangers à l'adoption par les Forces canadiennes d'une première politique concernant les transsexuels, en février 2011.

Cette politique rappelle l'égalité des militaires transsexuels, vise à prévenir la discrimination et le harcèlement et établit les droits des membres pendant leur changement de sexe.

Le lieutenant de vaisseau Michèle Tremblay ne fait pas de lien direct entre cette politique et les causes de Micheline Montreuil. «On l'a sortie pour plusieurs raisons, dit-elle. On a voulu offrir un meilleur guide aux gens et rappeler que tous les membres des Forces sont des membres à part entière.»

- Avec William Leclerc