Ce qui avait commencé comme un jeu avec une jeune cousine s'est aggravé au cours des ans pour finir par une pénétration, lorsque la petite avait une dizaine d'années. L'agresseur, qui était mineur lui aussi, a été condamné à une garde différée de 6 mois, mercredi, au tribunal de la jeunesse de Montréal, pour ces agressions survenues il y a près de 20 ans.

«Je m'excuse. Si on pouvait te rendre ce qu'on t'a volé...», a dit l'homme de 34 ans, mercredi, en regardant sa cousine, aujourd'hui âgée de 29 ans.

Si l'homme a utilisé le pronom «on», c'est parce qu'il a appris que, à la même époque, la fillette était également agressée par son propre frère. Cette situation a incité la juge Lucie Godin à se questionner sur la responsabilité des adultes.

«Le milieu familial n'était pas très protégeant pour la victime, et pas très encadrant pour vous», a-t-elle dit à l'accusé. Ce dernier, dont on ne peut dévoiler l'identité puisqu'il était mineur au moment des événements, reconnaît les faits, qui se sont produits à de nombreuses reprises entre septembre 1991 et novembre 1995.

Il a cinq ans de plus que la victime et était âgé de 15 ans lors de la dernière agression sexuelle. Les faits se sont déroulés à différents endroits, dans des chambres ou au sous-sol, souvent pendant des réunions ou des fêtes de famille.

Un soir, il n'y a pas si longtemps, il a reçu un appel d'un policier et a appris que son passé l'avait rattrapé. L'homme, qui n'a aucun antécédent judiciaire et qui mène une vie rangée, a plaidé coupable, à la première occasion, à des accusations d'agressions sexuelles et d'incitation à des contacts sexuels.

Outre la garde différée, il sera en probation pendant un an et se dit prêt à se soumettre à une thérapie. Le frère de la victime, quant à lui, aura un procès distinct, ultérieurement.

Séquelles

La victime, qui a témoigné hier, a énuméré un très grand nombre de séquelles, dont choc post-traumatique, dépression, troubles respiratoires, troubles du sommeil, consommation, psoriasis, hallucinations de ses agresseurs, grincements de dents, manque de confiance en elle, insomnie, hypersomnie, perte d'appétit, difficultés dans ses relations amoureuses, dégoût de la sexualité, déménagements, adoption d'un chien pour se sentir en sécurité, absence de souci pour l'argent, pour ne nommer que ceux-là.

La juge a reçu cette longue énumération avec circonspection et a fait valoir qu'il est difficile de départager les conséquences de l'agression des traits de personnalité de la victime. «La sentence que je vais rendre ne pourra jamais effacer ce que vous avez vécu», a-t-elle dit à la victime, avant d'ajouter que le fait de dénoncer ses agresseurs ne règle pas tout.

Si la jeune femme a décidé de dénoncer son cousin et son frère après toutes ces années, créant du coup un tsunami dans la famille, c'est pour se libérer d'un fardeau qui ne devrait pas être le sien, dit-elle. «Je prends le pouvoir sur ma vie, je remets le poids sur mes agresseurs.»

Ce genre de dossier n'est pas des plus courants, mais n'est pas inhabituel non plus au tribunal de la jeunesse, selon la procureure Karine Destrempes. Rappelons qu'une personne peut être accusée d'agression sexuelle à partir de l'âge de 12 ans, et qu'il n'y a pas d'âge pour être victime.