Pressée par une banquière et rassurée par un notaire, Geneviève a accepté d'agir à titre de prête-nom pour Robert Moniz, en 2007, en échange de quelques milliers de dollars. Résultat: comme plusieurs autres jeunes qui seraient tombés dans le même panneau, l'étudiante de 22 ans s'est retrouvée endettée de centaines de milliers de dollars quand Moniz a cessé de payer les hypothèques.

C'est ce qui se dégage du témoignage que Geneviève rend depuis hier devant le juge Patrick Healy au procès de Robert Moniz. L'homme de 39 ans, qui est détenu depuis son arrestation, en mai 2010, doit se défendre de 53 accusations liées à des fraudes évaluées à plus de 5 millions de dollars, qui auraient eu lieu en 2007 et 2008. Il aurait utilisé des prête-noms pour contracter des hypothèques et faire des transactions de vente-achat d'immeubes. Son procès, qui a commencé en février dernier, se déroule par à-coups et s'annonce bien long. Des dates ont été choisies jusqu'en juin prochain. Geneviève est un des derniers prête-noms à témoigner. Ensuite, les représentants des banques commenceront à défiler devant le juge.

Les subtilités bancaires

Geneviève l'avoue sans détour: elle ne connaissait strictement rien aux subtilités bancaires, immobilières et hypothécaires, en 2007. L'étudiante, qui travaillait aussi en restauration, avait servi de prête-nom pour la première fois à l'été 2006, pour les «frères Miller», a-t-elle dit hier. Elle avait reçu 4000$ pour sa peine.

En 2007, l'employée de la banque qui avait officialisé le prêt des Miller la rappelle pour lui faire rencontrer «un promoteur immobilier», qu'elle décrit comme un «bon ami», pour agir à titre de prête-nom. Il s'agit de Moniz. La banquière, Mme Borelli, organise un souper au restaurant afin de présenter Robert Moniz à Geneviève. Moniz fait bonne impression. Il a du bagout. Il est bien mis et s'exprime dans un très bon français même si ce n'est pas sa langue. Il dit posséder plusieurs propriétés au Canada. Le «big shot» de l'immobilier, selon le terme de Geneviève, paie le souper.

Ce que cette dernière comprend, lors de ce fameux souper, c'est que monsieur est considéré comme à risque par les banques, car il a plusieurs propriétés. Il paie donc des intérêts élevés, de 19 à 20%, pour ses hypothèques. Si Geneviève agit à titre de prête-nom pour l'achat d'une propriété, elle aura un bien meilleur taux. Il lui donnera 4000$ pour ce service, et elle n'aura rien d'autre à faire. Il s'occupera de tout. Mme Borelli rassure Geneviève et l'encourage. C'est tout à fait légal, et cela lui donne une chance à elle, jeune étudiante et travailleuse, d'améliorer son crédit. «Elle m'a dit que ça m'aiderait à me partir dans la vie», a signalé Geneviève, hier.

La jeune femme s'informe auprès du notaire Serge Robinette, avec qui Robert Moniz dit faire affaire. Le notaire rassure Geneviève. Cette dernière accepte finalement. Il est entendu que, en plus des 4000$, Moniz paiera les dettes de Geneviève, qui s'élèvent à 9000$.

Signez là

À l'automne 2007, Geneviève va à la banque pour le prêt (environ 200 000$), puis chez le notaire pour finaliser l'affaire. Tout ce qu'elle a à faire, c'est signer partout où il y a des X et des «Post-it». Chez le notaire, elle signe aussi une procuration. «On m'avait dit que la procuration, c'était pour me protéger. Je me sentais en confiance chez le notaire. Il m'a rassurée en me disant que s'il arrivait de quoi, ce serait Robert le responsable», a raconté Geneviève, hier.

La procureure de la Couronne, Isabelle Roy, continuera d'interroger Geneviève aujourd'hui. Ce sera ensuite au tour de l'avocate de la défense, Catherine Ranelli, de la contre-interroger.