Le soir du 13 juin 2010, Johra Kaleki a raconté pendant quatre heures à un enquêteur pourquoi et comment elle avait poignardé sa fille de 19 ans, le matin même. Aujourd'hui, l'accusée affirme ne se souvenir ni de l'événement ni de son interrogatoire.

«Je ne me rappelle rien du dimanche matin [jour du drame]. Mon seul souvenir après cela, c'est d'avoir vu mon mari derrière une vitre. Je lui ai demandé pourquoi j'étais là. Il m'a dit que c'était la prison Tanguay.»

C'est ce qu'a raconté Johra Kaleki, hier, lorsqu'elle a témoigné pour sa défense à son procès. La femme de 40 ans, d'origine afghane, est accusée d'avoir tenté de tuer sa fille aînée, Bahar. De confession musulmane, elle aurait agi ainsi parce que sa fille sortait sans permission, fumait, buvait, voyait des garçons et faisait pleurer son père. Quand elle a poignardé sa fille à au moins trois reprises, c'était pour la tuer. C'est du moins ce qu'elle a expliqué à l'enquêteur de la police de Montréal qui l'a interrogée le jour des événements. Lors de cet interrogatoire vidéo, qui s'est déroulé en anglais, elle semblait comprendre parfaitement les questions et y répondait de façon claire, en donnant de multiples détails. Aujourd'hui, l'accusée prétend qu'elle ne comprenait pas très bien l'anglais et qu'elle n'était pas elle-même quand elle a fait cette déclaration. Son avocate, Me Isabel Schurman, conteste l'admissibilité de cette déclaration, au motif que sa cliente n'avait pas un état d'esprit fonctionnel au sens de la loi, à ce moment. La psychiatre Dominique Bourget sera appelée à donner son avis sur l'état mental de madame. Pour le moment, la Dre Bourget assiste au témoignage de l'accusée et prend des notes.

Migraine et hallucinations

Mme Kaleki n'a pas parlé de maux de tête ou d'hallucinations dans sa déclaration. Aujourd'hui, elle soutient qu'elle avait une migraine terrible et des hallucinations la fin de semaine des événements. Elle entendait la voix de sa fille à travers les murs, mais celle-ci n'était pas là. Bahar est sortie sans permission le vendredi et le samedi, et les deux fois elle n'est rentrée qu'au matin. Mme Kaleki n'a pas fermé l'oeil de la fin de semaine. Elle était inquiète, affolée, fatiguée. Elle a avancé une explication pour sa grande inquiétude: à Kaboul, sa ville natale, il est dangereux pour les femmes de sortir le soir.

Lorsque la procureure de la Couronne, Me Anne Gauvin, l'a questionnée sur les règles qui ont cours dans la famille, Mme Kaleki a brossé le tableau d'une famille très libérale. Elle a quatre filles, et celles-ci sont libres, soutient-elle. Elle n'est pas contre le fait qu'elles pourraient avoir des activités sexuelles, mais les a prévenues des dangers de devenir enceinte et d'attraper le VIH. Sa seule inquiétude concerne leur santé, mais pour le reste, c'est leur décision, assure-t-elle.

Le contre-interrogatoire de Mme Kaleki se poursuit ce matin.