Les travailleurs du sexe viennent de remporter une autre victoire: la Cour suprême du Canada accorde à une organisation qui les défend le droit d'aller en justice pour faire invalider des articles du Code criminel.

Dans un jugement unanime de 9-0 rendu vendredi, le plus haut tribunal du pays a décidé que cette organisation, la Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, pouvait contester la validité constitutionnelle des dispositions du Code criminel sur la prostitution, même si elle ne faisait pas face elle-même à des accusations criminelles.

Le même droit a été accordé à Sheryl Kiselbach, une ancienne prostituée.

Leur demande n'était pas gagnée d'avance car une personne n'a pas le droit d'aller devant un tribunal pour faire des demandes dans lesquelles elle n'a pas d'intérêt direct ou pour faire modifier des lois qui ne l'affectent pas directement.

Mais l'organisation et Mme Kiselbach ont plaidé qu'elles avaient l'intérêt requis pour amener cette cause devant les tribunaux, notamment parce que  les travailleurs du sexe sont des personnes vulnérables qui ne pouvaient porter sur leurs épaules le fardeau d'une telle contestation du Code criminel. Et que pendant ce temps, les poursuites contre ces travailleurs allaient se poursuivre injustement.

Il faut que la qualité pour agir dans l'intérêt public soit octroyée de façon souple et libérale, écrit la Cour.

Selon le juge Thomas Cromwell qui a rendu les motifs du jugement, la contestation ici est sérieuse et vise la presque totalité du régime législatif sur la prostitution.

«Elle fournit l'occasion d'évaluer, du point de vue du droit constitutionnel, l'effet global de ce régime sur les personnes les plus touchées par ces dispositions. Une contestation de cette nature est susceptible de prévenir une multiplicité de contestations individuelles engagées dans le cadre de poursuites criminelles», est-il écrit dans la décision.

Il s'agit ainsi d'une utilisation efficiente des ressources judiciaires limitées, affirme le juge Cromwell.

Il a aussi tenu compte de la vulnérabilité des personnes visées par la législation criminelle sur la prostitution.

«Il appert du dossier en l'espèce qu'aucun travailleur de l'industrie du sexe du quartier Downtown Eastside de Vancouver n'était prêt à intenter une contestation exhaustive. Ils craignent une atteinte à leur vie privée et à leur sécurité ainsi qu'un accroissement des actes de violence de la part de leurs clients», a souligné le juge.

L'organisation et Mme Kiselbach avaient été déboutées devant la Cour supérieure de la Colombie-Britannique: le juge avait décidé qu'elles n'avaient pas l'intérêt requis pour amener cette cause devant les tribunaux.

La Cour d'appel leur ayant ensuite donné raison, le procureur général du Canada a porté la cause devant la Cour suprême pour la faire rejeter.

Mais vu la décision de la Cour suprême, la cause va maintenant retourner devant la Cour supérieure qui sera appelée à décider si les articles du Code liés à la prostitution sont valides ou non.