Au motif que sa tête aurait été mise à prix, Giuseppe De Vito est maintenu en isolement depuis qu'il est arrivé au Centre de réception de Sainte-Anne-des-Plaines, le 28 juin. L'homme de 45 ans, soupçonné d'être un membre influent de la mafia italienne traditionnelle, conteste vigoureusement la légalité de cette mesure en Cour supérieure.

«Les policiers constatent des choses sur le terrain, des incendies, ils recueillent des informations. Mais il n'y a aucune hypothèse retenue. Ils pensent que les membres du crime organisé traditionnel sont des cibles potentielles. Mon client ne peut que faire une dénégation générale, il ne sait rien. Il est incarcéré depuis plusieurs mois et il n'a jamais eu de problème», a plaidé Me Sylvie Bordelais, hier, en signalant que les renseignements donnés à M. De Vito sont bien maigres et vagues. M. De Vito considère par ailleurs qu'il n'a pas à payer pour les individus qui pourraient lui en vouloir. Ce serait plutôt eux qui devraient être en isolement, a ajouté l'avocate.

«Sa tête a été mise à prix. On ne sait pas par qui, quand, comment... Il y a une enquête en cours. C'est une population changeante au Centre de réception. On ne sait pas d'où vient le danger», a rétorqué le procureur de la Couronne fédérale, Toni Abi Nasr. Ce dernier a signalé que l'information était crédible et qu'il ne s'agissait pas d'un croc-en-jambe fait à M. De Vito. «On ne sait pas qui va être le meurtrier et, même si on le savait, on ne pourrait pas le dire», a-t-il concédé.

Le procureur a par ailleurs expliqué qu'il existe une autre solution pour protéger M. De Vito: l'aile de protection, où il n'y a aucune privation de liberté. Mais M. De Vito refuse d'y être placé.

L'audience d'hier visait à déterminer si la requête de M. De Vito mérite d'être entendue. La Couronne estime que non, mais le juge Fraser Martin a conclu que oui. M. De Vito a droit à une audience pour explorer les motifs «vagues et difficiles à comprendre», estime le juge. L'audience aura lieu en octobre.

Le Centre de réception est un établissement de classement, où les détenus ne sont que de passage. M. De Vito l'aura sans doute quitté pour aller dans un pénitencier à ce moment-là. Mais son avocate croit que la question mérite d'être tranchée, car elle aura une incidence sur la suite de la détention de son client.

M. De Vito a écopé de 15 ans de prison en juin dernier, après avoir été déclaré coupable de complot d'importation de cocaïne. Il était l'un des nombreux accusés de la frappe Colisée, qui a eu lieu en 2006 contre la mafia italienne. S'il a été jugé longtemps après ses compagnons d'armes, c'est qu'il s'est caché pendant quatre ans. Pendant sa cavale, ses deux fillettes sont mortes, et sa femme, Adèle Sorella, suspectée d'être l'auteure des meurtres, doit être jugée au printemps prochain.

Signalons enfin que M. De Vito a interjeté appel de sa condamnation et de sa peine. Il nie être membre de la mafia, mais admet y avoir des connaissances. Il y a quelques jours, des individus cagoulés ont tiré sur deux hommes qui se trouvaient au café italien QV's. L'un, Ben Zaid Moez Ben Ali, est mort, tandis que l'autre, Marco Lafratta, un des trois nouveaux propriétaires de l'établissement, a été blessé. Lors de l'enquête Colisée, les policiers soutenaient que le café QV's était contrôlé par Giuseppe De Vito.