Alors que le festival Juste pour rire bat son plein, une ancienne cadre haut placée de l'organisation réclame à son dirigeant, Gilbert Rozon, plus de 300 000$ pour harcèlement psychologique, atteinte à sa réputation et résiliation unilatérale de son contrat, a appris La Presse.

Moins de deux semaines après son congédiement houleux, l'ancienne vice-présidente et chef de l'exploitation du Groupe Juste pour rire demande justice au célèbre producteur québécois. L'homme d'affaires voulait «la casser», dit-elle. Dans une poursuite déposée hier devant la Cour supérieure, Josée Daignault réclame la somme de 374 346$ à son entreprise. Le portrait qu'elle dresse de son patron est sombre. Le principal intéressé réfute toutes les allégations contre lui et promet de se défendre devant le juge.

Dans le volumineux document présenté au tribunal, Mme Daignault affirme que, durant la courte période où elle a travaillé pour Gilbert Rozon, il a tout fait pour transformer son quotidien en véritable calvaire et ainsi la pousser à démissionner. Il lui a finalement montré la porte le 5 juillet dernier, à peine six mois après son embauche, annoncée en grande pompe dans plusieurs médias.

«Je vais te casser»

Selon elle, le fondateur de Juste pour rire l'a empêchée d'exercer ses fonctions en voulant tout régenter. Elle dit s'être plainte plusieurs fois, mais que rien n'a changé. «À partir du mois de juin, il y a eu un changement drastique et accentué d'attitude et du comportement de Gilbert Rozon qui s'est matérialisé par des reproches non fondés et des accusations frivoles [...] dans le seul but de l'amener à quitter son emploi», peut-on lire dans la requête introductive d'instance.

L'ancienne vice-présidente raconte que son patron lui envoyait des courriels «empreints d'agressivité, de reproches et de menaces». L'homme lui aurait aussi dit: «Je vais te casser.» Selon la plaignante, le président du festival l'a accusée d'avoir révélé à des collègues des renseignements confidentiels sur les finances de l'entreprise, alors qu'il avait lui-même envoyé un courriel à ce sujet à tous les membres de la direction. Il lui a également reproché d'avoir violé la confidentialité de son poste en prenant contact avec deux de ses prédécesseurs «pour mieux comprendre l'organisation et Rozon». «Plusieurs personnes avaient tenté sans succès, au cours des dernières années, d'occuper un poste similaire auprès de lui», lit-on dans la poursuite.

Quant à l'adjointe du patron, Guylaine Lalonde, elle refusait mordicus d'adresser la parole à Mme Daignault, allègue cette dernière. L'adjointe serait allée jusqu'à fredonner lorsqu'elle tentait de lui parler afin de ne pas l'entendre.

Au début du mois de juillet, le magnat du rire a convoqué son employée pour lui dire que ça n'allait plus. «Il n'y a pas de fit. Veux-tu que je te congédie?» Deux mois plus tôt, il se serait pourtant déclaré parfaitement satisfait d'elle. La vice-présidente lui a manifesté sa déception, mais s'est dite «ouverte à trouver une solution gagnante pour tous». Ils ne se sont pas entendus. Il

offrait trois mois de salaire, elle en demandait au moins neuf comme le stipule, dit-elle, son contrat. Groupe Juste pour rire aurait aussi exigé que, malgré son renvoi, Josée Daignault continue à s'acquitter de certaines tâches pour l'entreprise. Elle a refusé et s'est fait congédier le jour même.

Moyen de pression

La voici maintenant qui contre-attaque pendant que le festival de Gilbert Rozon bat son plein. «C'est un moyen de pression», croit l'homme. L'ancienne cadre, qui n'a pas répondu à nos demandes d'entrevue, réclame au groupe un an de salaire, soit 300 000$. Dans le document de cour, elle dit avoir «pris des risques en acceptant le poste et quittant sa fonction stable et rémunératrice» et «coupé les relations avec sa clientèle». Elle demande aussi, entre autres sommes, 11 000$ pour ses deux dernières semaines de travail, que Juste pour rire aurait «refusé de lui verser». Elle exige 20 000$ en dommages moraux pour atteinte à la réputation et à la dignité, stress et harcèlement psychologique, notamment.

Gilbert Rozon souhaite quant à lui

garder sa défense pour le tribunal. Il estime que son ancienne employée utilise la cour comme «moyen pour négocier». «Je ne reconnais d'aucune façon ses allégations», dit-il.