C'est un homme violent aux nombreux démêlés avec la justice qui est dans la ligne de mire des policiers à la suite du double meurtre et de la tentative de meurtre survenus à l'hôpital Notre-Dame. Le jour même de son hospitalisation, il aurait réussi à déjouer la vigilance du personnel pour étouffer un autre malade, même s'il était dans une unité particulièrement sécurisée de l'aile psychiatrique.

Le 16 juin dernier, Idelson Guerrier a été admis au service des soins intensifs psychiatriques de l'établissement montréalais. Ses proches avaient peur de lui. Il affichait un comportement dangereux et psychotique, selon son avocat, Me François Bérichon. C'est volontairement que le père de famille de 31 ans de Joliette a été emmené à l'hôpital.

Moins de 24 heures après son admission dans l'unité close, qui ne compte que six lits et une infirmière pour deux patients, un homme de 69 ans, Gaétan Sénécal, a été trouvé mort par des membres du personnel. Le sexagénaire, qui était sous curatelle publique, se trouvait aussi aux soins intensifs au moment du drame. Habitué de l'aile psychiatrique du CHUM et délaissé par sa famille, M. Sénécal voulait à tout prix quitter l'hôpital. En 2009, c'est même un tribunal qui l'a forcé à y rester. «C'est un homme qui était très seul», dit l'avocat Alan Guttman, qui a défendu le défunt pour des crimes mineurs dans le passé.

Lorsqu'ils ont trouvé son corps le 16 juin, médecins et infirmières ont cru à une mort naturelle. «Les patients âgés ont souvent d'autres problèmes médicaux. Le premier réflexe est de penser que le décès est lié à la condition médicale», explique le chef du service de psychiatrie, le Dr Paul Lespérance.

Suffisamment stable

Quelques jours plus tard, quand l'état d'Idelson Guerrier a été jugé suffisamment stable, il a été transféré dans une unité d'hospitalisation d'une cinquantaine de lits. C'est à un étage de cette unité qu'un homme de 77 ans a été trouvé mort à son tour, le 22 juin. Encore une fois, on a conclu à une mort naturelle. Du moins jusqu'à ce qu'une femme de 71 ans, Iolanda Bertocchi, raconte au personnel de l'hôpital qu'un patient avait tenté de l'étouffer dans sa chambre. On l'a crue. Encore sous le choc, la femme tente d'oublier les affreux événements. «C'est fini maintenant. Je ne veux plus penser à tout ça», a-t-elle confié à La Presse.

Son agresseur a été accusé de tentative de meurtre et transféré à l'Institut Pinel pour évaluation. Une enquête policière et des autopsies sur les corps ont permis de conclure à des meurtres dans les deux autres cas. Notons toutefois que M. Guerrier n'a pas été accusé pour ces crimes et qu'il n'est actuellement pas qualifié de suspect, mais plutôt de «personne qui pourrait être liée aux crimes», précise le Service de police de la Ville de Montréal. «Si cet homme-là a vraiment tué deux personnes, il ne le sait pas», dit son avocat, qui l'a rencontré hier à la demande de la famille.

Quoi qu'il en soit, l'histoire de son client soulève de sérieuses questions quant à la capacité des hôpitaux dits «généraux» de recevoir des patients au passé criminel. M. Guerrier aurait-il dû être placé dans un établissement plus sécurisé? «Il n'y a pas beaucoup de ressources et on ne va à Pinel que sur un ordre de la Cour», répond Me Bérichon.

Feuille de route

Même si Idelson Guerrier a une petite feuille de route en matière de menaces et de violence, le personnel de Notre-Dame n'en savait rien. «Les policiers ne nous disent pas ces choses-là», indique le Dr Lespérance.

Au cours des dernières années, le malade a pourtant été condamné plus d'une fois pour voies de fait, pour méfait, et même pour entrave au travail des policiers. Le dossier le plus récent à sa fiche remonte à février dernier. Il est accusé d'avoir harcelé et menacé de mort un collègue de travail ainsi que d'avoir commis des voies de fait à son endroit, à l'usine de transformation Olymel de Saint-Esprit, d'où il a démissionné il y a peu de temps. «Il a foncé sur ma voiture avec la sienne après un quart de travail, raconte Sylvain Reid. Lorsque je lui ai demandé ce qu'il faisait, il m'a répondu: «Ferme ta gueule. Tu vas souffrir. Ça ne fait que commencer.»» Au syndicat de l'usine, on décrit l'homme comme «un gars qui avait de sérieux troubles de comportement» qui ne «s'entendait pas avec les autres».