Les procédures d'extradition de Luka Rocco Magnotta pourraient s'avérer longues si le présumé meurtrier décide de contester une éventuelle requête du Canada.

Mais l'avocat criminaliste de Montréal Jean-Claude Hébert estime qu'il est difficile à ce stade-ci de prévoir ce que l'homme détenu à Berlin décidera de faire.

> En photos: Sur les traces de Luka Rocco Magnotta

Dans un premier temps, la police de Montréal devra transférer des éléments de preuve à Justice Canada, qui contactera à son tour le ministère de la Justice allemand.

En vertu du traité d'extradition entre les deux pays, a expliqué Me Hébert, le Canada dispose de 60 jours pour faire une demande d'extradition à l'Allemagne. L'accusé demeurera détenu entre-temps.

Cette demande d'extradition logée, M. Magnotta aura alors deux options : soit de la contester, ou encore de se rendre volontairement aux autorités canadiennes.

«Étant donné les traces qu'il a laissées un peu partout et l'auto-incrimination, ça devient plus difficile de prétendre que la demande canadienne est mal fondée», a analysé Jean-Claude Hébert.

«Ça reste une option quand même très probable, potentielle et possible, que M. Magnotta, face au dossier écrasant qu'il a devant lui, décide de venir régler son compte avec la justice canadienne directement, plutôt que de passer des mois et des mois en détention en cellule allemande, dans un pays qu'il connaît moins bien, d'autant plus qu'il sera isolé.»

«Mais les délais... On parle de la mécanique juridique, les délais d'appels, etc., a poursuivi l'avocat. Si Magnotta décide de contester complètement, vigoureusement, oui, ça peut prendre plusieurs mois avant que la décision soit rendue.»

Démarches en cours

«Il y a toutes sortes de possibilités, a convenu Ian Lafrenière, porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal. Magnotta pourrait contester son extradition. Mais pour nous, l'important est qu'il soit derrière les barreaux.»

Le policier montréalais a lui aussi dit ignorer combien de temps pourrait s'écouler avant que l'homme de 29 ans revienne au pays.

«Nous avons entrepris des démarches, mais il peut y avoir des délais. Une chose est sûre: il ne sera pas à Montréal demain», a déclaré le commandant Lafrenière.

En milieu d'après-midi, le ministère fédéral de la Justice a fourni quelques détails sur ces démarches déjà entreprises: «M. Magnotta a été arrêté à Berlin, en Allemagne, en vertu d'une notice rouge Interpol qui, selon la loi allemande, constitue une demande provisoire du Canada pour son extradition», a expliqué dans un courriel une porte-parole du ministre Rob Nicholson.

«Conformément au traité Canada-Allemagne en matière d'extradition, le Canada doit maintenant déposer une demande officielle d'extradition, accompagnée de documents étayant les éléments de preuve à l'appui de la demande», a-t-on ajouté.

La porte-parole a précisé que des fonctionnaires du ministère fédéral travaillaient avec des représentants du procureur général du Québec pour «réunir les documents à l'appui de la demande».

Selon Le Parisien, en France, au moins un premier contact avait déjà été établi à cet égard dans la journée d'hier, entre les autorités allemandes et l'ambassade canadienne.

M.Magnotta doit comparaître une première fois devant un tribunal à Berlin mardi matin.

Réactions à Ottawa

La première réaction d'Ottawa était venue du bureau du ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, peu de temps après l'arrestation du suspect : «Nous pouvons confirmer que cet individu a été arrêté», a écrit dans un courriel rédigé en anglais Julie Carmichael, la directrice des communications du ministre.

«Nous nous attendons à ce que l'individu responsable de ces actes troublants fasse face à toute la force de la loi.»

En visite à Londres pour célébrer le Jubilé du diamant de la reine Elizabeth II, le premier ministre Stephen Harper a félicité les policiers pour leur coup de filet.

Dans la capitale fédérale, où des parties du corps de la victime ont été expédiées par la poste à des partis politiques, d'autres politiciens ont réagi.

Le chef libéral, Bob Rae, avait dit espérer plus tôt que l'arrestation de Magnotta se confirmerait. Mais ses pensées étaient pour la victime du crime.

«Il faut se souvenir qu'il y a une personne qui est morte. Il y a un jeune immigrant qui est venu au Canada pour étudier, pour faire son travail et ce jeune homme n'est plus à cause d'un meurtre terrible, horrible, épouvantable. Il ne faut pas oublier ça.»

- Avec Martin Croteau