Alors que les polices du monde entier sont appelées à la rescousse pour le retrouver, un nouveau mandat d'arrêt a été lancé hier contre le dépeceur Luka Rocco Magnotta, en lien avec une accusation de harcèlement criminel à l'endroit du premier ministre Stephen Harper.

> En photos: l'affaire Luka Rocco Magnotta

La menace, vraisemblablement liée au colis qu'il a envoyé au quartier général du Parti conservateur, viserait aussi d'autres députés non nommés dans le document. L'accusation de meurtre non prémédité invoquée dans le premier mandat d'arrêt a aussi été changée pour celle de meurtre prémédité.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) compte maintenant sur l'aide des polices du monde entier pour la traque du suspect, qui aurait filmé le meurtre et la mutilation de sa victime avant d'envoyer des restes humains à des partis politiques fédéraux. L'histoire a fait le tour du monde.

«On sait que ça se déploie à la grandeur de la planète maintenant. Avec nos partenaires d'Interpol et les médias du monde entier qui ont diffusé son image, nous avons espoir que toute cette pression va nous aider à le ramener où il doit être, c'est-à-dire derrière les barreaux», a déclaré le commandant Ian Lafrenière, du SPVM.

Caméléon

Les enquêteurs savent que Magnotta a pris l'avion de Montréal vers la France le 26 mai. Il a utilisé un passeport à son nom.

Ensuite, rien n'est certain. Magnotta est un grand voyageur, un adepte du déguisement qui utilise plusieurs identités, selon ce que la police sait de lui.

«Après l'aéroport, nous avons de l'information, que nous allons garder pour nous pour l'instant», explique le commandant.

Pour l'instant, la police de Montréal ne compte pas dépêcher d'agents à l'étranger. Elle préfère se fier à ses collègues des autres pays, avisés grâce à une «notice rouge» d'Interpol.

«Il n'y a personne de mieux placé que les policiers de terrain dans leur pays pour le trouver», résume M. Lafrenière.

Les enquêteurs n'écartent pas non plus la possibilité que le suspect soit parti vers l'Europe de l'Est, la Russie, ou qu'il soit revenu au Canada. «Il pourrait être de retour à Montréal sous une autre identité», souligne M. Lafrenière.

La France aux aguets

En France, la Brigade nationale de recherche des fugitifs a été alertée, mais la démarche ne signifie pas «forcément» qu'il se trouve dans l'Hexagone, a précisé un enquêteur cité par l'Agence France-Presse.

Les médias locaux sont restés prudents. La principale chaîne privée française TF1 a ouvert son bulletin d'information de 20h avec cette «terrible affaire» en soulignant que les autorités avaient des «raisons de croire» que l'homme «pourrait» se trouver en France. Le quotidien Le Monde a relevé pour sa part que l'histoire «qui fait frémir d'horreur le Canada» pourrait «prendre une tournure française», là encore en introduisant les bémols de la police nationale.

En Angleterre, photo à l'appui, un journaliste du Sun a raconté avoir rencontré Magnotta il y a six mois à Londres, alors qu'il enquêtait sur les histoires de cruauté animale dont on a accusé l'homme. Magnotta se serait présenté aux bureaux du journal et se serait défendu d'avoir tué des chatons dans des vidéos publiées sur l'internet. Le journaliste a reçu peu après un courriel de menaces, qu'il attribue à Magnotta. La missive précisait que la prochaine fois qu'on entendrait parler de lui, il y aurait des humains dans son film, pas seulement des chatons.

- Avec la collaboration de Marc Thibodeau à Paris

L'identité de la victime

Pour une rare fois, la police de Montréal a confirmé publiquement l'identité de la victime dans cette affaire, après que La Presse l'eut révélée dans son édition de vendredi. Six à huit personnes sont portées disparues chaque jour à Montréal. Et vu l'horreur du crime découvert à Côte-des-Neiges, le SPVM voulait rassurer les proches de ceux qui n'ont rien à voir avec cette histoire.

Le défunt connaissait Magnotta avant le soir fatidique. Il l'aurait suivi volontairement chez lui pour avoir des relations sexuelles.

Jun Lin, 33 ans, a quitté sa province natale du Wuhan, en Chine, en juillet pour venir étudier à Montréal. Il suivait des cours de premier cycle à la Faculté de Génie et Informatique de l'Université Concordia. Il a été vu pour la dernière fois le 24 mai et officiellement porté disparu le 29 mai par un de ses proches. Le consulat de Chine à Montréal a notamment publié un avis de recherche sur son site web. La victime n'a aucun membre de sa famille à Montréal.

La nouvelle de sa mort violente a créé une véritable onde de choc dans l'établissement scolaire, dont plusieurs pavillons ont a été assaillis par les médias vendredi matin.

«C'est absolument terrible, s'est exclamé le président de l'Association Étudiante de Génie et Informatique de Concordia, Ali Talhouni. Je suis en état de choc. Je ne le connaissais pas personnellement, mais juste de penser que c'est un membre de notre association, ça me donne froid dans le dos. Nous offrons toutes nos condoléances à ses proches et sa famille.

L'Association tiendra une réunion d'urgence ce soir afin de déterminer la meilleure façon de se rendre utile. La direction de Concordia offrira pour sa part de l'aide psychologique aux étudiants et professeurs qui en ont besoin.

Dans un communiqué envoyé à la communauté étudiante et aux employés,  le recteur Frederick Lowy a présenté  ses condoléances à la famille et aux proches de Jun Lin. «Sa perte nous attriste; elle a touché notre communauté, particulièrement ceux d'entre nous qui le connaissaient, écrit-il. Il n'est jamais facile de subir la perte d'un être cher, surtout lorsque celle-ci est imprévisible.»



Le consulat général de la République populaire de Chine à Montréal a publié un communiqué dans lequel il offre ses condoléances à la famille de la victime et lance un «appel à la vigilance aux citoyens et étudiants chinois locaux en matière de sécurité».



«L'assassin a commis ce crime horrible et odieux en employant des méthodes exceptionnellement cruelles avec des impacts extrêmement pernicieux. Nous sommes profondément bouleversés et nous condamnons fermement cet acte criminel», affirme le communiqué.



«Nous espérons que l'auteur du crime sera arrêté et traduit devant la justice le plus tôt possible afin que la justice soit faite. Nous souhaitons et demandons également que les autorités compétentes locales prennent effectivement des mesures pour protéger la sécurité des citoyens chinois locaux», affirme la mission diplomatique.

Photo tirée de Facebook

La victime, Jun Lin.

Photo tirée de Facebook

Jun Lin, la présumée victime de Luka Rocco Magnotta.