Idée préconçue de suicide, tests approximatifs, conclusions brouillonnes ou inexactes, poudre aux yeux des jurés... Le procureur de la Couronne, Michel Fortin, avait beaucoup de choses à reprocher à Vassili Swistounoff, expert en balistique de la défense, mercredi, au procès de l'ex-juge Jacques Delisle.

Si on se fie à l'expertise de M. Swistounoff, qui est venu de France pour témoigner, la femme de M. Delisle, Marie-Nicole Rainville, s'est bel et bien suicidée en se tirant une balle dans la tempe gauche, avec sa seule main valide, en tenant le pistolet de calibre 22 à l'envers, par le canon au lieu de la crosse, le matin du 12 novembre 2009.

La balle n'est pas ressortie de la tête de la septuagénaire. Pour expliquer que la balle s'est logée là où elle a été trouvée, l'expert soutient qu'elle a «dévié de sa trajectoire». Tout cela parce qu'il faut expliquer la donnée la plus significative: le tatouage de poudre qu'il y avait dans la main de la défunte. En tenant l'arme de façon normale, il n'y aurait pas une telle marque. Pour la Couronne, l'explication est simple: ce n'est pas la femme qui tenait l'arme, elle voulait se protéger la tête quand le coup de feu a été tiré. La défense, quant à elle, pour appuyer sa thèse de suicide, doit démontrer qu'il est possible de se faire un tatouage de poudre en tirant soi-même.

En fait, l'expert s'est donné beaucoup de mal pour expliquer qu'il est possible, voire presque facile, de se tuer de manière aussi compliquée. Il a fait des tests en France, avec deux femmes de sa connaissance. Il est aussi allé au Québec, en 2010 et 2011, pour mener des tests de tir et voir les lieux où le drame s'est produit, c'est-à-dire le condo du couple à Sillery. Quoi qu'il en soit, Me Fortin l'a abondamment questionné sur de nombreuses facettes de son rapport, et ce n'est pas fini.

Me Fortin a aussi interrogé l'expert à propos de ses études. M. Swisstounoff a parlé d'un diplôme universitaire obtenu en deux ans, mais il a reconnu qu'en réalité, c'était en huit semaines, «avec du travail personnel» en plus. Un autre de ses diplômes universitaires, celui en balistique, a été obtenu en cinq semaines. M. Swisstounoff vient pourtant contredire les conclusions de l'expert pathologiste André Bourgault, médecin, sur la trajectoire de la balle dans le crâne.

L'expert a signalé qu'il arrivait très souvent, quand il faisait des tests après les pathologistes, de trouver des erreurs, car ces derniers ne prennent pas toujours tout en compte.

«Avez-vous un diplôme universitaire en médecine?», lui a demandé Me Fortin à un certain moment.

«Non, mais j'en ai un en balistique», a répondu le témoin.

«Ah, ça, c'est le cours de cinq semaines!», a rétorqué Me Fortin.

Le procès se poursuit aujourd'hui avec la suite du contre-interrogatoire de M. Swisstounoff. Celui-ci doit prendre un avion pour la France ce soir. La défense a deux autres experts à faire entendre par la suite.

Rappelons que M. Deslisle, juge retraité de 77 ans, est accusé du meurtre prémédité de sa femme. La femme de 71 ans avait subi un AVC, en avril 2007, qui l'avait laissée paralysée du côté droit. En 2009, elle avait aussi subi une fracture de la hanche qui l'avait diminuée un peu plus physiquement.