Un haut gradé de la police de Toronto a agi illégalement en faisant arrêter une centaine de Québécois lors du sommet du G20 en 2010, conclut une enquête indépendante. L'une des personnes incarcérées sans motif valable estime que cette arrestation de masse, tout comme celles observées depuis le début du conflit étudiant au Québec, ne sert qu'à intimider les manifestants.

Le Bureau du directeur indépendant de l'examen de la police (BDIEP), un organisme civil chargé d'enquêter sur les activités policières en Ontario, vient de remettre un rapport blâmant l'inspecteur Gerhard Meissner pour sa conduite lors du G20. Les enquêteurs estiment qu'il a abusé de son pouvoir en faisant arrêter la centaine de personnes qui se trouvaient dans un gymnase de l'Université de Toronto, en juin 2010. Non seulement n'avait-il pas de motifs suffisants pour les arrêter tous, il a agi sans aucun mandat.

Motifs raisonnables

«Le Code criminel ne permet pas des arrestations de masse si un officier a des raisons de croire que certains membres d'un groupe ont commis un acte criminel: au contraire, des motifs raisonnables doivent exister pour chacun [NDLR: en italique dans le rapport] des membres du groupe qui est arrêté, pas pour le groupe en entier», peut-on lire dans le rapport obtenu par La Presse.

Le 26 juin 2010, l'inspecteur Meissner se trouve à la tête d'un groupe de 250 agents chargés d'assurer la sécurité du secteur de Queen's Park. En soirée, de violents affrontements éclatent avec les manifestants. Plusieurs voitures sont vandalisées et de nombreux projectiles sont lancés en direction des policiers.

Des gens vêtus de noir

Les policiers tentent d'arrêter les auteurs, mais ceux-ci «semblent s'évaporer». L'inspecteur Meissner reste néanmoins convaincu que ceux-ci sont restés au centre-ville. Le lendemain matin, une personne rapporte à l'officier avoir vu des gens vêtus de noir, à l'instar des Blacks Bloc, à proximité du gymnase de l'Université de Toronto, pourtant fermée pour la semaine en raison de la tenue du G20. L'inspecteur fait alors cerner le bâtiment où il trouve une centaine de personnes endormies. Après avoir découvert du matériel «anti-G20», il décide de mettre tout le monde en état d'arrestation pour «attroupement illégal», convaincu qu'il a retrouvé les auteurs des incidents de la veille.

Le BDIEP reconnaît que «l'inspecteur Meissner avait un motif raisonnable de croire que certains des gens dans le gymnase avaient été impliqués dans les activités illégales de la veille.» Ils le blâment toutefois de n'avoir «pris aucune précaution pour s'assurer que les gens arrêtés étaient impliqués. Ses ordres étaient simplement que tous devaient être arrêtés.»

«Raccourci intellectuel»

L'une des 115 personnes arrêtées le 27 juin, Jacynthe Poisson, dénonce le «raccourci intellectuel» de l'officier. «Tu ne vas pas présumer que quelqu'un a commis du vandalisme parce qu'il porte un imperméable noir. Je me rends compte que dans la police, il y a des préjugés et des stéréotypes extrêmement forts contre les jeunes.»

Jacynthe Poisson dit être sortie marquée de son arrestation et des 60 heures de détention «humiliantes» qui ont suivi. L'étudiante en droit, qui participe aux présentes manifestations contre la hausse des droits de scolarité, dit être beaucoup plus prudente. Elle trace un parallèle entre son incident et les arrestations de masse vues au Québec dans le conflit étudiant. «C'est une tendance inquiétante. On veut décourager les gens de participer aux manifestations en leur faisant peur d'être arrêtés.»