Une juge de Laval s'est placée dans une situation délicate, il y a quelques semaines, en tranchant dans une cause qui impliquait une entreprise dont son conjoint est vice-président.

Julie Messier a donné raison à L'Unique, une compagnie d'assurances qui emploie son conjoint, Bruno Perrino.

Fin mars, la magistrate a condamné l'homme d'affaires Nabil Toubia, établi à Laval, à verser 25 000$ à l'assureur. L'entreprise d'import-export de M. Toubia, Investissements Leticia inc., avait déjà été condamnée à payer ce montant à l'Unique. Cette dernière plaidait que l'homme et sa compagnie étaient en défaut de paiement.

Selon le Registraire des entreprises du Québec, Nabil Toubia est le seul administrateur de son entreprise. Celle-ci est d'ailleurs localisée à la même adresse que son domicile personnel.

Le Code de procédure civile prévoit qu'un «juge est inhabile si lui ou son conjoint sont intéressés dans le procès». Plus généralement, un juge doit normalement se récuser si sa partialité est mise en doute de façon sérieuse.

Le mari dit qu'il ne savait pas

Bruno Perrino jure qu'il ne savait «pas du tout» que sa femme s'était penchée sur ce dossier et que «de toute évidence», les avocats de l'Unique ne connaissaient pas les liens qui l'unissent à la juge Messier.

M. Perrino a la responsabilité de tous les contrats d'assurances d'entreprise pour l'Unique. Il a été embauché en 2008.

Au domicile lavalois de Nabil Toubia, une femme se présentant comme son épouse a assuré à La Presse que l'homme d'affaires est parti à l'étranger «pour toujours», avant de se raviser et d'indiquer qu'il a quitté le Canada «pour le moment».

Grace Nasr a ajouté que personne dans la famille ne connaissait les liens entre l'Unique et la juge Julie Messier. «Je découvre quelque chose», a-t-elle affirmé.

Mme Nasr a relaté que son époux ne s'est même pas défendu dans ce dossier, car il s'attendait à recevoir un document lui indiquant sa date de comparution. Une missive l'a plutôt informé que le procès était déjà derrière lui et qu'il devait payer l'Unique.

La juge ne rappelle pas

La juge Julie Messier n'a pas rappelé La Presse. «Je ne pourrais pas parler en son nom», a affirmé Bruno Perrino.

La juge en chef de la Cour du Québec, Élizabeth Corte, a refusé de commenter le dossier par la voix de son chef de cabinet, Jean Latulippe.

Ce n'est pas la première fois que cette juge fait les manchettes.

La nomination de Julie Messier avait déjà fait parler en 2010, juste avant l'ouverture des travaux de la commission Bastarache.

Son beau-frère est Pietro Perrino, un ex-organisateur libéral, ancien conseiller de premiers ministres libéraux et ex-organisateur du parti du maire de Laval, Gilles Vaillancourt. M. Perrino avait été mouillé dans l'affaire des Fonds d'intervention économique régionaux (FIER) en 2009. Il administrait deux de ces fonds.