Il y avait de l'ADN de Marie-Nicole Rainville sur le pistolet de calibre .22 qui  aurait servi à la tuer. Mais il n'y en avait pas de son époux, Jacques Delilse, à qui le pistolet appartenait. Il n'y en avait pas non plus sur le chargeur, bien que M. Delisle dit l'avoir retiré lui-même de l'arme après le suicide de sa femme, afin de «sécuriser» le pistolet.

C'est ce qui se dégage du témoignage que la biologiste judiciaire France Gingras a livré, aujourd'hui, au procès de Jacques Delisle. L'homme de 77 ans est accusé d'avoir tué avec préméditation son épouse, le 12 novembre 2009, quelques mois après qu'il eut pris sa retraite de juge à la Cour d'appel. La femme de 71 ans, gravement handicapée, est morte d'un coup de feu à la tempe gauche, dans leur condo de Sillery. L'homme soutient qu'elle s'est suicidée. La Couronne pense plutôt qu'il l'a tuée.

Aujourd'hui, la biologiste Gingras a expliqué qu'en novembre 2009 elle a analysé la boîte qui contenait l'arme, des pièces de plastique qui se trouvaient dans cette boîte, l'arme elle-même et le chargeur. Elle a trouvé deux profils génétiques sur la boîte, mais il ils étaient trop faibles pour qu'elle puisse effectuer des comparaisons. Elle n'a pas non plus été capable de dégager de profil sur les pièces de plastic, sur la balle et le chargeur.

«Comment se fait-il qu'on ne retrouve pas le profil de quelqu'un qui a manipulé le chargeur», a demandé le procureur de la Couronne, Steve Magnan?

La biologiste a répondu qu'il y avait plusieurs possibilités. Si la personne vient de se laver les mains, elle a moins de chance de laisser de l'ADN. Par ailleurs, certaines personnes laissent moins d'ADN que d'autres. Ce sont de mauvais donneurs. Enfin, une pièce peut avoir été nettoyée.

Un peu plus tôt dans la journée, l'avocat de la défense Jacques Larochelle s'est livré à une minutieuse et implacable dissection des conclusions émises par le pathologiste André Bourgault, au sujet de la mort de Marie-Nicole Rainville.

Le Dr Bourgault, qui a réalisé l'autopsie de la défunte, ne s'explique pas comment ce suicide aurait pu se produire, en raison de la tache de «noir de fumée» qui se trouvait dans la paume de la main gauche de Mme Rainville. Pour avoir ce genre de tache, la main devait se trouver très près du canon. Comme la femme ne pouvait utiliser son bras droit pour se tuer, puisqu'il était complètement paralysé, il ne lui restait plus de main pour tirer, estime le pathologiste.

Me Larochelle n'a pas ménagé ses efforts pour discréditer certaines conclusions du Dr Bourgault. Il l'a mitraillé de questions extrêmement pointues, et a fait ressortir avec emphase ce qu'il semblait considérer comme des lacunes. Ainsi, Me Larochelle s'est longuement attardé à la déformation du projectile. Le pathologiste croit que celui-ci s'est déformé en champignon à la fin de sa course, à l'arrière de la tête, et non à son entrée, à la tempe. Ceci parce que l'os de la tempe est beaucoup moins fort que celui à l'arrière de la tête. Me Larochelle semblait trouver cette explication boiteuse.

«Et vous vous fondez sur quelle autorité pour dire que le projectile s'est déformé à la fin», de demander Me Larochelle, de manière incisive?

Me Larochelle, spécialiste de la phrase assassine qui s'exprime toujours dans un langage châtié, a contre-interrogé le Dr Bourgault pendant près de trois heures. Il lui a finalement demandé s'il savait que, selon la littérature, la tempe est le site de prédilection pour les suicides par arme à feu.

«C'est le site le plus fréquent», a admis le pathologiste.

L'avocat lui a aussi fait admettre que les suicides impliquent des positions un peu étranges. Parfois, les gens se tirent avec leur orteils. Ils peuvent même se tirer à l'arrière de la tête.

«C'est exact, ce n'est pas fréquent, mais ça arrive», a répondu le pathologiste.

La Couronne a ensuite appelé à barre la toxicologue judiciaire Nathalie Goudreau, qui a analysé des substances biologiques prélevées sur le cadavre de Mme Rainville. Elle n'a trouvé aucune trace d'alcool, mais il y avait des traces de différents médicaments. C'était des concentrations thérapeutiques, donc normales pour quelqu'un qui consomme des médicaments. Mme prenait notamment un médicament pour soigner la dépression, un autre pour l'hypertension, du lorazepam pour l'anxiété, du coumadin pour éclaircir le sang, de même qu'un autre pour aider au sommeil.

M. Delisle est assis à la même table que ses avocats, et un expert qui écoute religieusement les témoignages des témoins de la Couronne. Le septuagénaire a souvent les bras croisés. Parfois, il se balance doucement sur sa chaise.

Le procès se poursuit mercredi.