Jacques Delisle n'a pas voulu que les ambulanciers tentent de réanimer sa femme, qui s'était apparemment suicidée d'une balle dans la tête. Il a répété la même consigne à l'hôpital où elle a été transportée. Il a dit que c'était les volontés de sa conjointe.

C'est ce que le policier Jean-François Bégin a raconté ce matin au procès du juge à la retraite Jacques Delisle. L'homme de 77 ans est accusé du meurtre prémédité de sa femme. Marie-Nicole Rainville, 71 ans, est morte d'une balle dans la tête le matin du 12 novembre 2009, dans l'appartement où vivait le couple, à Québec, sur le chemin Saint-Louis, en face du fleuve Saint-Laurent.

C'est M. Delisle lui-même qui a appelé le 911, vers 10h30, pour dire que sa femme venait de s'enlever la vie. Le patrouilleur Bégin et son collègue ont été les premiers arrivés sur les lieux. M. Delisle les attendait en bas de l'immeuble et leur a ouvert la porte. «Il a dit que sa conjointe s'était tiré une balle dans la tête. Il a dit qu'il était juge à la retraite, qu'elle avait fait un AVC et qu'elle était paralysée du côté droit. Il a dit qu'ils avaient eu une dispute vers 9h et qu'il avait quitté vers 9h30 pour aller chez Rosette [NDLR un commerce], et qu'il l'avait trouvée en revenant», a relaté M. Bégin. Selon lui, M. Delisle était calme et parlait d'un ton normal.

Les policiers sont montés à l'appartement. M. Delisle a été prié de rester à l'extérieur, étant donné qu'il vivait un drame. À l'intérieur, de la musique classique jouait. La femme était étendue sur le sofa, la tête sur un oreiller. Elle avait une blessure d'environ 3 cm à la tempe gauche. Elle avait les yeux fermés, la bouche ouverte et les jambes étendues sur le canapé. Son bras droit, paralysé, était replié sur sa poitrine. Son bras gauche pendait sur son côté. Il y avait une arme par terre, près du canapé. Le chargeur était enlevé. M. Delisle a signalé plus tard que c'est lui qui l'avait enlevé pour sécuriser l'arme. Il y avait une douille sur la table de chevet.

Quand un autre policier est arrivé, M. Bégin est allé rejoindre M. Delisle à l'extérieur de l'appartement. Il était assis sur une chaise. «Je me suis assis pas trop proche, pour respecter sa bulle», a noté M. Bégin.

M. Delisle a raconté que l'arme lui avait été offerte il y a longtemps, du temps où il chassait les oiseaux migrateurs. Quand il était juge, il gardait cette petite arme de poing de calibre .22 à son bureau. Il l'avait rapportée à la maison quand il avait pris sa retraite, quelques mois auparavant. L'arme, qui n'était pas enregistrée au Registre des armes à feu, avait toujours été chargée, a fait valoir M. Delisle.

En contre-interrogatoire, Me Jacques Larochelle a fait ressortir que le policier Bégin avait été en contact pendant deux ou trois heures avec M. Delisle, qu'il avait toujours considéré comme un homme qui vivait une grande épreuve. Si le juge paraissait calme, c'est qu'il se maîtrisait, a suggéré Me Larochelle. Le témoin a acquiescé. Malgré ce calme, le policier Bégin a demandé à un ambulancier de vérifier l'état de M. Delisle, à un certain moment, car ses mains et ses bras tremblaient. Enfin, Me Larochelle a aussi mis en évidence le fait que M. Delisle avait lui-même parlé de son arme chargée non enregistrée, alors qu'il s'agit d'une infraction criminelle punissable d'au moins trois ans de prison.

Pas d'empreintes sur l'arme, selon l'expertise

Par ailleurs, un technicien en scènes de crime de la police de Québec, Denis Turcotte, a aussi été contre-interrogé ce matin.

L'avocat de l'accusé, Me Jacques Larochelle, lui a posé des questions sur la façon dont a été mené l'examen de la scène et de l'arme à feu.

M. Turcotte a reconnu qu'aucune empreinte digitale n'a été trouvée sur l'arme à feu. Il a aussi affirmé que l'expert en balistique n'avait pas cherché à savoir comment l'arme avait pu être utilisée par quelqu'un d'autre que la victime, sans toutefois dire pourquoi.

Par contre, l'agent Turcotte a répété que, selon l'expertise, il ne pouvait expliquer comment la victime, à demi paralysée, aurait pu elle-même utiliser l'arme.

Hier, Denis Turcotte a affirmé que Mme Rainville avait été atteinte à la tempe gauche et qu'une marque noire sur sa main gauche avait immédiatement retenu son attention.

Le procès de Jacques Delisle se déroule devant jury.

L'ancienne secrétaire du juge devrait être appelée à la barre des témoins dans les prochains jours par le procureur de la Couronne, Steve Magnan.

Ce dernier tentera de démontrer qu'elle était la maîtresse de l'ancien juge et que ce dernier songeait à se séparer de sa femme parce qu'il avait de la difficulté à composer avec son état de santé.

- Avec La Presse Canadienne