La tache de fumée noire à l'intérieur de la main gauche de la victime est le détail que le technicien en scène de crime a tout de suite trouvé étrange, quand il s'est rendu sur les lieux du suicide allégué de Marie-Nicole Rainville, le 12 novembre 2009. Comment une main qui tire peut-elle avoir une telle marque à cet endroit? s'est-il demandé.

«En 17 ans, j'ai jamais vu ça, une telle marque», a fait valoir le technicien de la police de Québec Denis Turcotte, hier, au procès du juge retraité Jacques Delisle. L'homme de 77 ans est accusé du meurtre prémédité de sa femme. Marie-Nicole Rainville, 71 ans, a été tuée par une balle à la tempe gauche, sur le canapé de son salon, dans le condo où elle vivait avec son mari, au 2201, chemin Saint-Louis, à Québec. C'est M. Delisle qui aurait trouvé sa femme morte, en revenant de faire une course, vers 10h30, le matin du 12 novembre 2009.

«Madame, j'arrive à la maison, ma conjointe s'est enlevé la vie. Qu'est-ce que je fais?», a dit M. Delisle quand il a appelé le 911 ce matin-là. Il s'exprimait d'un ton inquiet, en respirant fort. Il a ajouté qu'un revolver était à côté d'elle.

M. Delisle a ensuite dit à la préposée que sa femme était paralysée du côté droit depuis qu'elle avait eu un AVC, en 2007, et qu'elle s'était fracturé la hanche en juillet. De fait, Mme Rainville avait été hospitalisée longtemps, avait été opérée et n'était rentrée à la maison que le 30 octobre, 13 jours auparavant.

 

Dans son exposé d'ouverture, hier matin, le procureur de la Couronne Steve Magnan a expliqué que, diminuée physiquement par la maladie, Mme Rainville se déplaçait avec un déambulateur. Souffrante, elle avait déjà exprimé des idées suicidaires. De son côté, son mari était actif et en forme. Juge à la Cour d'appel, il avait pris sa retraite quelques mois auparavant. Il s'occupait de sa femme, mais il avait une vie parallèle. Il entretenait depuis des années une relation extraconjugale avec sa secrétaire, Johanne Plamondon, a révélé Me Magnan hier. Avec cette dernière, M. Delisle aurait évoqué la possibilité qu'ils puissent faire vie commune. Il aurait aussi confié les difficultés d'être aidant naturel.

Affaire traitée comme un suicide

Le matin du 12 novembre, les premiers policiers arrivés dans le condo du couple, devant le fleuve, ont traité l'affaire comme un suicide. La femme était étendue sur le canapé de cuir rouge. Sa main droite paralysée était recroquevillée. Ils ont tenté des manoeuvres pour réanimer la septuagénaire. Ils l'ont transportée à l'hôpital, où son décès a été constaté. Le technicien en scènes de crime Denis Turcotte est arrivé à l'appartement à 11h18. Il a jeté un bref coup d'oeil à la scène et s'est rendu à l'hôpital pour voir le cadavre. Cela allait l'aider à analyser la scène, a-t-il expliqué. C'est donc à l'hôpital qu'il a constaté la tache de fumée noire dans la main gauche de la victime. Le majeur de Mme Rainville semblait égratigné. M. Turcotte a enveloppé les deux mains dans des sacs de papier pour préserver les preuves. Il est retourné au condo, pour examiner la scène et prendre des photos. Il y avait de la poudre, comme de la poudre de canon, qui faisait un motif en rond, sur le dossier du canapé.

Cinq jours plus tard, il était présent pour l'autopsie, qui se déroulait à Montréal. Le pathologiste, André Bourgault, trouvait lui aussi que la tache était étrange. Gilbert Gravel, spécialiste en balistique, a été mis au courant. Ce dernier a fait des manipulations avec une arme identique, qui se trouvait au laboratoire. Lui non plus ne comprenait pas pourquoi il y avait une tache, a fait valoir M. Turcotte. Des expertises pour trouver des empreintes et de l'ADN ont été réalisées sur différentes pièces à conviction, dont l'arme qui avait servi à tuer Mme Rainville. Cette arme, manifestement de calibre 22, appartenait au juge. La boîte dans laquelle elle se trouvait habituellement était sur une petite table, près de la porte d'entrée.

Le procès se poursuit aujourd'hui, avec le contre-interrogatoire du témoin Denis Turcotte.

 

Photo fournie par la cour

Une trace de poudre dans la main gauche de la victime a attiré l'attention des policiers.