Le travailleur mexicain Victor Martinez Morales n'aura pas connu grand-chose du Québec à part ses prisons.

Le juge Claude Champagne l'a condamné, hier, à purger huit ans pour l'homicide involontaire de Mylène Dupuis, escorte de 21 ans. Le magistrat lui a aussi imposé une peine d'un an à purger de façon concurrente pour s'être livré à des voies de fait contre le proxénète de la jeune femme, Karl Pierre-Louis, surnommé Murder.

Cela faisait à peine un an que M. Martinez Morales résidait au Canada lorsque le crime s'est produit, le 19 février 2011. Sa famille avait tout misé sur lui. Il avait été désigné pour aller travailler au Canada et ainsi subvenir aux besoins de ceux restés au Mexique. Tout le monde s'était cotisé pour lui payer le billet d'avion.

L'homme de 35 ans a ruiné leurs espoirs en poignardant à mort l'escorte, après que cette dernière lui eut réclamé 20$ supplémentaires. Morales était un client régulier de l'escorte depuis six mois.

Le 19 février, la jeune femme se présente d'abord seule chez l'accusé, dans le quartier Saint-Michel, pour réclamer son dû. Ce dernier lui remet alors 20$. Or, quelques minutes plus tard, elle se présente de nouveau à sa porte, cette fois-ci accompagnée du proxénète. Murder force alors la porte, muni d'un pistolet. Le proxénète l'avait déjà menacé quelques jours plus tôt avec un tournevis.

L'accusé poignardera la jeune femme à 14 reprises. Elle était «comme un mur» entre Murder et lui, a-t-il dit lorsqu'il a plaidé coupable plus tôt cette année. Il a expliqué que son geste était motivé par la colère et par la peur d'être tué par le proxénète.

La peine de huit ans de prison était une suggestion commune de la Couronne et de la défense. Les deux parties ne s'entendaient toutefois pas sur le calcul de la détention préventive. Le juge a donné raison à l'avocat de la défense, Martin Latour, qui demandait que chaque jour passé en détention préventive équivaille à une journée et demie de prison. Il reste donc à Morales six ans et trois mois à purger.

L'accusé a dû être placé en isolement de façon permanente après avoir été poignardé, probablement en guise de représailles. De plus, l'accusé ne parle que l'espagnol, ce qui rend les échanges avec les agents correctionnels difficiles. Sa famille restée au Mexique n'a pas les moyens de le visiter. Avant que le drame ne survienne, l'accusé travaillait dans une usine de poulets. Il sera vraisemblablement expulsé du Canada après avoir purgé sa peine.

«La disparition soudaine, inattendue et violente de Mylène Dupuis a eu un impact très important sur les membres de sa famille. La victime était toute jeune, enjouée et elle aimait la vie», a souligné le juge. La mère de Mylène, Sandra, était présente à l'audience. «Je vais vivre avec mes cicatrices toute ma vie, et d'autres vivront avec des images d'horreur qui resteront à jamais gravées dans leur mémoire. À chacun son fardeau», a-t-elle écrit dans une lettre destinée au juge.