«Je n'ai jamais rien vu d'aussi noir.» Le juge Claude Parent a fait ce commentaire, mercredi, après avoir pris connaissance du passé de l'homme de 28 ans qui a reconnu avoir perforé les intestins de son beau-fils de trois ans et demi dans un accès de colère.

Bien avant de faire connaître l'enfer à l'enfant, dont la survie tient du miracle, l'accusé a lui-même vu l'horreur de près lorsqu'il était petit.

En condamnant l'accusé à cinq ans de prison, le juge Parent a d'abord souligné l'«atrocité» des gestes qu'il a commis. Mais il a aussi tenu à énumérer les drames qui ont marqué la vie de l'homme de 28 ans.

«Ce n'est pas étonnant de le voir ici [au palais de justice] aujourd'hui», a lancé le magistrat.

L'accusé, qu'on ne peut nommer, est né d'une mère héroïnomane. Elle a accouché pendant qu'elle faisait une surdose. Il a été placé en famille d'accueil.

À l'âge de 3 ans, il est retourné vivre avec sa mère et son grand-père. Lorsqu'il avait 5 ans, sa grand-mère a été assassinée à son travail par un forcené. La même année, sa mère s'est suicidée devant lui. Puis son grand-père s'est tué à son tour.

L'accusé a été confié à une tante, qui s'est aperçue que quelque chose n'allait pas chez l'enfant. Il frappait son chien. Il mettait le feu partout. Il s'est mis à commettre des vols. Il a été suivi par un psychiatre durant une bonne partie de son enfance. Impuissante, la tante, qui se considérait comme sa mère adoptive, l'a mis à la porte lorsqu'il avait 16 ans.

L'accusé a rencontré la mère de l'enfant en mars 2010. Il avait déjà une fillette dont il avait la garde. Ils ont emménagé ensemble quelques mois plus tard, en juin.

«Cauchemar inimaginable»

L'enfant était entre la vie et la mort lorsqu'il a été conduit à l'hôpital, le 4 décembre 2011. Il vomissait ses excréments. La preuve révèle que le couple a attendu de 24 à 48 heures avant de le conduire aux urgences. L'enfant a vécu un «cauchemar inimaginable», selon la médecin qui lui a sauvé la vie.

Seul un coup violent à l'abdomen a pu lui perforer l'intestin de la sorte, selon la Dre Laurel A. Chauvin-Kimoff. L'enfant était également couvert d'ecchymoses, notamment au cou. Il portait des traces de brûlures anciennes. Il avait une fracture non soignée à un bras. La médecin a conclu à un cas de maltraitance.

À la suite de son arrestation, le couple a soutenu que c'était la fille de l'accusé, âgée de 5 ans, qui avait infligé ces blessures au petit garçon.

Ce dernier, sur son lit d'hôpital, a toutefois indiqué à la police que son beau-père l'avait frappé en mimant le coup reçu avec son petit poing.

L'accusé a finalement plaidé coupable à une accusation de voies de fait graves le 24 janvier dernier. Il reconnaît avoir donné le coup à l'abdomen, rien d'autre. Il demande à suivre une thérapie pour régler ses problèmes personnels, a fait valoir son avocat, Me Julien Archambault.

L'accusé veut se reprendre en main pour revoir sa fille. La Direction de la protection de la jeunesse ne s'y oppose pas, à condition que la fillette le demande. «Pour l'instant, la petite ne demande pas à revoir son père. Lorsqu'on lui parle de lui, elle dessine ses idées noires», a expliqué la procureure de la Couronne, Me Sylvie Lemieux.

Quant au garçon, il est aujourd'hui hors de danger. Il est trop tôt pour savoir s'il aura des séquelles psychologiques, a précisé la poursuite.

La peine de cinq ans était une suggestion commune de la poursuite et de la défense. Comme l'homme est détenu depuis son arrestation, il lui reste 45 mois à purger. Quant à la mère du garçon, aussi accusée dans cette affaire, elle a plaidé non coupable.