Qualifié de «gourou» par le juge, un homme de 71 ans qui a fait trois enfants à sa propre fille passera les trois prochaines années derrière les barreaux.

L'accusé n'éprouve ni remords ni regrets, tandis que sa victime et leurs enfants porteront à tout jamais le «poids social de la transgression de ce tabou», a retenu le juge Louis A. Legault.

Le magistrat lui a imposé une peine de trois ans de prison, hier, au palais de justice de Montréal. «Une peine dissuasive s'impose», a insisté le magistrat, suivant ainsi la recommandation de la poursuite. La défense suggérait plutôt un sursis de peine assorti d'une probation.

L'homme, dont le nom est frappé d'un interdit de publication, a reconnu sa culpabilité à deux accusations d'inceste.

Malgré tout, il se considère encore aujourd'hui comme une victime «d'une femme malicieuse, de mauvaise vie; d'une mauvaise mère», d'après la criminologue chargée de l'évaluer.

«Animée par une impulsion irrésistible de connaître cet homme», a relaté le juge Legault, la victime s'est mise à la recherche de son père biologique en 1984, alors qu'elle avait 23 ans. Sa mère adoptive lui avait fortement déconseillé de faire cette démarche. La jeune femme a réussi à retrouver son père en ayant accès à son dossier d'adoption. Il avait 43 ans.

«Une femme blessée»

La victime, «une femme blessée, en détresse et relativement désorganisée», selon le magistrat, a offert à son père de l'héberger puisqu'il était démuni. Après avoir fait des études de médecine en Europe, il a été condamné au Québec pour pratique illégale de la médecine. Il avait promis à un patient de le guérir lors d'une séance de transfert d'énergie avec les mains.

C'est d'ailleurs lors d'une séance de massage thérapeutique qu'a eu lieu la première relation sexuelle entre l'accusé et sa fille. La victime n'a pas consenti à cette relation. «Il est clair que l'accusé a abusé d'elle avec ses prétendus pouvoirs», a tranché le juge.

«État de grand stress»

«Manifestement en état de grand stress et de déséquilibre», la victime a consenti aux relations suivantes «pour acheter la paix», a résumé le magistrat.

Leur relation a duré 13 ans. Chaque fois qu'elle est tombée enceinte, la victime a voulu de faire avorter, mais son père l'en a empêchée. «C'est une femme écrasée par le secret [...], un secret qui tue socialement, qui handicape», retient le juge. La victime n'a pas dénoncé son père avant 2003. Elle avait alors perdu la garde de ses enfants au profit de son agresseur.

Incarcéré en isolement

Les enfants, aujourd'hui majeurs, ont coupé les ponts avec leur mère, mais sont toujours en contact avec leur père qui est aussi leur grand-père. L'accusé s'est d'ailleurs vanté de ses grandes capacités parentales.

L'avocate de l'accusé, Me Katia Leontieff, a demandé que des mesures spéciales de protection soient mises en place pour son client en prison. Le juge Legault y a consenti. «Je ne voudrais pas que justice se fasse ailleurs qu'ici», a conclu le magistrat.