Giuseppe «Closure» Colapelle, énième soldat de la mafia tombé sous les balles jeudi soir dernier, jouait à un jeu très dangereux. Un jeu dont il savait qu'il pourrait lui coûter la vie.

Selon des informations obtenues par La Presse, ce père de famille de 38 ans aurait renseigné la bande de Raynald Desjardins sur les alliances étonnantes que nouait son rival pour le contrôle de la mafia montréalaise, Salvatore Montagna.

Ce dernier, âgé de 40 ans, a été assassiné le 24 novembre dernier à l'île Vaudry, à Charlemagne. Un crime que Desjardins et un très proche collaborateur, Vittorio Mirarchi, sont accusés d'avoir commis avec d'autres complices.

Montagna, enfant chéri de mafia new-yorkaise, avait brièvement été parrain de la famille Bonanno. Mais il avait dû se résigner à tenter de bâtir son empire à Montréal sur les ruines de celui de la famille Rizzuto, décimée depuis l'arrestation de Vito et l'opération Colisée, en 2006.

C'est que Montagna avait été expulsé des États-Unis, dont il ne détenait pas la nationalité. Il y a quelques années, il s'était donc installé à Montréal, où il est né. Il y aurait levé une petite armée avec de proches collaborateurs comme Lorenzo Larry LoPresti et Antonio Tony Suzuki Pietrantonio.

Mais pour prendre le pouvoir, il fallait pour Montagna affirmer sa suprématie sur le clan de Raynald Desjardins qui, malgré ses origines québécoises, jouit d'une forte influence dans le milieu criminel italien.

Dans l'équipe de Desjardins, Giuseppe Colapelle était apparemment un soldat des plus dévoués, même s'il n'a jamais été accusé en lien avec le meurtre de Montagna.

Espion

Dans des documents que La Presse a obtenus, on peut constater que Colapelle aurait été observé l'été dernier par des policiers à quelques reprises en compagnie de Vittorio Mirarchi. Le plus souvent dans des restaurants du centre-ville. Mais surtout, il se serait improvisé espion pour le compte du tandem Desjardins-Mirarchi.

Par exemple, le 20 juillet dernier, Colapelle aurait envoyé à Mirarchi des messages texte dans lesquels il lui a raconté avoir vu dans une fourgonnette «Cilon et Waldo» (LoPresti et Pietrantionio). «J'ai garé l'auto et j'ai voulu aller leur dire bonjour, mais le gars de Nancy s'est dirigé vers eux, est monté dans la fourgonnette et ils sont partis», a-t-il écrit, en anglais, dans un langage propre aux messages texte.

Nancy, c'est le terme utilisé par le groupe pour désigner la ville de New York. «Le gars de Nancy», ce serait Salvatore Montagna. Colapelle a aussi écrit que Cilon et Waldo ont eu un choc en le voyant. «Je leur ai envoyé la main, ils ont envoyé la main et sont partis», a-t-il conclu.

Mirarchi et lui se sont ensuite échangé des messages exprimant leur surprise quant à la réunion entre ces trois personnages qu'ils ne croyaient visiblement pas alliés. «Je me demande ce qu'ils préparent», a écrit Mirarchi.

Il aurait par la suite rapporté ces informations à Raynald Desjardins, qui se serait montré tout aussi incrédule.

Dans les mois suivants, le sang a coulé dans les deux camps. Desjardins lui-même a survécu à un attentat en septembre à Laval.

De l'autre côté, LoPresti a été assassiné sur le balcon de son condo de l'arrondissement de Saint-Laurent quelques semaines plus tard. Tony Suzuki, quant à lui, a été atteint en décembre de quelques balles devant un café rue Jarry, et il a miraculeusement survécu.

Une accusation

Le plus retentissant attentat dans cette série a évidemment été celui qui a été fatal à Montagna, en novembre.

Colapelle avait échappé à la mort jusqu'à la semaine dernière. Son nom est peu connu du grand public. À sa fiche criminelle ne figure qu'une accusation, liée à la tenue d'une maison de jeu illégale, portée dans la foulée de l'enquête Colisée.

Il jouait par contre un rôle important d'intermédiaire lors de conflits opposant diverses instances de la mafia depuis un bon moment. Son efficacité lui avait valu son surnom de Closure. Mais son dernier rôle, celui d'informateur, a certainement été son plus dangereux dans la mafia. Et il savait que ses jours pouvaient être comptés, selon nos sources.

L'individu qui l'a abattu devant le bar Beaches, boulevard Langelier à Saint-Léonard, court toujours.

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Le bras droit de De Vito

Giuseppe Colapelle n'était pas qu'un proche de Vittorio Mirarchi et de Raynald Desjardins. Il aurait aussi été le bras droit d'un mafieux tout aussi terrifiant, Giuseppe De Vito. Déjà, dans la preuve accumulée par la GRC dans le cadre de l'enquête Colisée, entre 2003 et 2006, Colapelle figurait souvent en lien avec De Vito.

De Vito a réussi à échapper aux policiers lors de la rafle de novembre 2006, point culminant de Colisée. Surnommé Ponytail en raison de sa queue de cheval, il est demeuré très actif dans le milieu pendant sa cavale qui a duré quatre ans. Il a fini par être arrêté et a été reconnu coupable, le 17 février dernier, de gangstérisme et de complot pour importation de cocaïne.

Depuis l'incarcération de De Vito, c'est Colapelle, son bras droit, qui aurait pris la responsabilité de ses affaires. «C'était son homme de confiance, il était charismatique, avait un bon gabarit qui faisait peur. Quand on dit qu'on est associé à De Vito, c'est un peu comme dans le temps chez les motards, quand on disait qu'on était associé à Mom Boucher», affirme une source bien au fait de la carrière criminelle de Colapelle. Son surnom était Closure, parce qu'il avait une habileté à conclure des ententes, même les plus tordues, par exemple avec les ravisseurs d'un proche des Rizzuto enlevé, Nicola Varracali. Mais aussi parce qu'il s'était fait «brocher» l'estomac, lors d'une opération bariatrique.